La tragédie du chat
de Sophie Chabanel

critiqué par Jfp, le 28 septembre 2022
(La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans)


La note:  étoiles
drame en noirs et blancs
Écrit en plein confinement, ce quatrième volume des enquêtes de la commissaire Romano se ressent de l’état émotionnel dans lequel était l’auteure à cette époque de grande solitude affective, que l’on espère définitivement révolue. Si l’humour est toujours présent, voire même la cocasserie de certaines situations, le propos est ici empreint de gravité. Sophie Chabanel aborde le problème des déviances de l’anticolonialisme. Dans les milieux universitaires, notamment parmi les sciences de l’homme et de la société mais aussi dans les milieux artistiques, la stratégie "classe contre classe", chère au communisme radical, est dorénavant remplacée par une stratégie "race contre race", appelant au reversement de la domination de la "race" blanche et rameutant au passage les minorités sexuelles dans un même combat de libération. Mathieu Véran, célèbre acteur et metteur en scène de théâtre, humaniste et antiraciste, a monté au Nouveau Théâtre de Lille une tragédie grecque, "Les suppliantes", en suivant les habitudes en vigueur à l’époque d’Eschyle, lorsque les acteurs se noircissaient le visage ou revêtaient des masques sombres pour représenter les Africains (en l’occurrence les Égyptiens). Grave erreur ! Car pour nos néo-anticolonialistes il s’agit de rien moins qu’une injure faite à la "race" noire ! Ils ont donc décidé de bloquer le spectacle, comme ils le font pour des conférences ou des rencontres n’ayant pas l’heur de leur plaire. Au bout de quelques semaines de fermeture, la pièce est reprise, au grand dam de nos militants, dans une mise en scène faisant intervenir, outre le grimage des comédiens auquel Mathieu Véran tient mordicus, l’arrivée au moment fatidique, depuis les cintres, d’un énorme bateau en bois censé représenter une arrivée de migrants, insistant ainsi sur le message très actuel de cette tragédie antique dénonçant l’intolérance et le racisme. La mort de l’acteur en plein spectacle, lorsque le bateau s’effondre sur son corps, va déclencher une enquête s’orientant très vite vers les milieux extrémistes des deux bords. La résurrection de la notion de "race" fait, comme on s’en doute, le lit de la "fachosphère" qui, en défendant mordicus Mathieu Véran contre ses détracteurs d’extrême-gauche, s’est attirée violemment ses foudres. L’enquête sur ce qui va rapidement s’avérer un meurtre particulièrement subtil, nécessitant une connaissance approfondie des rouages du fonctionnement d’un théâtre, va longtemps piétiner jusqu’à un dénouement final totalement inattendu. Ce polar, à mon avis le meilleur de la série, pourra décontenancer les aficionados de Sophie Chabanel recherchant une histoire policière distrayante et sans états d’âme. Celui-ci, qui est basé sur un fait divers réel s’étant déroulé à la Sorbonne en 2019, fait aussi réfléchir et laisse un goût amer. Mais comment le lui reprocher ?
Entre chat et chien 9 étoiles

La commissaire Romano est en plein dilemme. Célibataire endurcie ou presque, elle aime sa liberté, les expressos, les fricadelles-frites et surtout Ruru, son chat. Mais arrive dans sa vie Damien, l’homme parfait, rencontré par hasard chez le vétérinaire. Directeur des relations internationales de la mairie de Lille, il a un emploi du temps aussi chargé que celui de son amie, et leur relation serait idyllique si la cohabitation avec Ruru n’était pas si tendue. Devra-t-elle choisir entre Ruru et Damien ?

C’est donc avec son collègue Martel, le légiste, qu’elle vient assister à une pièce d’Eschyle Les suppliantes. Elle admire le talent des comédiens, le fils de son collègue ainsi que celui de Mathieu Véran, quand un bateau suspendu lui tombe sur la tête, le tuant sur le coup.
La commissaire bondit sur scène pour faire les premières constatations, et sécuriser de la scène de crime.
Le fils Martel, très choqué, lui parlera du talent du comédien assassiné, des remous qu’avaient suscité la pièce controversée, avec l’apparition des blackfaces.
Les recherches s’orienteront rapidement vers les groupes extrémistes racistes et anti-racistes,

Une enquête très rythmée commence, explorant soigneusement toutes les pistes, procédant intelligemment à l’élimination des pistes.
Et comme à son habitude, Sophie Chabanel mêle humour permanent et enquête policière rythmée, explorant les personnalités sombres de l’être humain, dans tout ce qu’il a de pire. Avec bien sûr, une fin à la hauteur du roman.

Marvic - Normandie - 66 ans - 7 novembre 2023