Le colonel ne dort pas
de Émilienne Malfatto

critiqué par Alma, le 5 octobre 2022
( - - ans)


La note:  étoiles
Le tortionnaire torturé
Le colonel ne dort pas. Ce « spécialiste » de la torture est hanté chaque nuit par le souvenir des atrocités qu'il a commises et par le visages de ses victimes, imprimés à jamais dans sa mémoire . Ce ne sont que visions glaçantes, macabres et fantastiques de martyrs  « désarticulés sanglants dépecés, défaits déconstruits » dignes des tableaux de Jérôme Bosch .

Ce tortionnaire du jour devient le torturé de la nuit, de bourreau il se transforme en victime.
Une victime qui implore ses « visiteurs du soir » son « armée des ombres », qui lui refusent « l'amnésie même provisoire de quelques heures de sommeil » d'accourir à son secours et de lui accorder la mort.

Un roman, ou plutôt une fable à valeur universelle dont l'action se déroule dans un pays indéterminé, livré à une dictature militaire, dans un pays gris aux contours flous, dévasté par 40 jours de pluie où tout se délite, en proie à une « décrépitude de choses et êtres, même de la hiérarchie » ; le Général à la tête du pays passant désormais son temps à jouer, seul, aux échecs.

Cette fable est constituée de l' alternance du récit d'un narrateur extérieur, exposant froidement le travail du Colonel , et d'un discours en stances de style incantatoire, basées sur des apostrophes, des d'accumulations : prière du « tortionnaire torturé » à ceux qui sont désormais ses bourreaux

Un ouvrage d'une rare puissance tant par le sujet qu'il interroge : la torture que par l'angle sous lequel il le présente : celui du bourreau vampirisé par le souvenir de ses victimes.( juste retour des choses , me direz-vous ….)
Un bref ouvrage de 110 pages, superbe, à la fois glaçant et magnétique qui laisse au lecteur toute latitude d'en situer l'action dans le monde.
Un fable glaçante et intemporelle 8 étoiles

Ce court roman possède une certaine étrangeté comme si l'on était dans une dystopie, tout est gris, brumeux et pourtant ce lieu indéfini paraît définir de nombreux pays et des époques différentes. Le roman se situe dans une grande ville en guerre. Un général qui semble perdre le sens de la réalité reste dans sa chambre à jouer aux échecs, le colonel est un spécialiste de la torture pour soutirer des informations et semble presque désabusé tant il a expérimenté dans ses activités cruelles et il y a l'ordonnance qui reste en retrait.

Emilienne Malfatto a opté pour une construction précise. Elle alterne des chapitres dans lesquels nous voyons ce petit monde évoluer dans un lieu clos et étouffant où la violence et l'endormissement prédominent. Il est question d'une Reconquête qui piétine. En alternance, les autres chapitres en italique sont des poèmes dans lesquels le colonel prend la parole, il est insomniaque, n'a plus la conscience tranquille et est hanté par toutes les personnes qu'il a torturées et tuées. Ces diverses adresses aux morts sont oniriques et soulignent les ressentis profonds de ce personnage qui n'attire pas la sympathie du lecteur. A force d'avoir commis des atrocités, les corps ne sont même plus des corps comme s'il œuvrait froidement sur des objets.

Ce texte, peu ancré spatialement et temporellement, a quelque chose d'universel comme une fable. En effet il peut rappeler certaines dictatures ou tout simplement certains comportements durant les guerres. Le roman permet aussi d'évoquer les dégâts qu'elles engendrent sur les hommes. Il y a quelque chose de fatal qui se dégage aussi de ce roman, comme si les faits ne cessaient de se répéter, comme si on remplaçait un dictateur par un autre, un gradé par un auteur, et les modes opératoires seraient les mêmes.

Ce roman exerce une certaine séduction sur le lecteur, il fascine tout en révoltant. Ce qui est décrit semble tellement d'actualité que cela peut faire froid dans le dos. Dans tous les pays en guerre aujourd'hui, certains points narrés ici pourraient entrer en résonance.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 2 septembre 2024


Histoire originale de tortionnaires 7 étoiles

A travers ce livre, on découvre la torture infligée aux victimes et le remord du bourreau.
L'histoire est entrecoupée de poèmes originaux.
On ressent tout à fait les sentiments partagés entre faire son devoir (faire la guerre) et le regret de tuer des personnes (même si c'est l'ennemi).
Le colonel a bien conscience du fait qu'il a pu à tout moment opter pour le choix de ne plus continuer à tuer et à torturer.
A-t-on le droit d'ôter la vie à quelqu'un en invoquant l'excuse : c'est la guerre ??

Jordanévie - - 49 ans - 19 janvier 2023