Vivre vite de Brigitte Giraud

Vivre vite de Brigitte Giraud

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Poet75, le 27 novembre 2022 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 7 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (15 411ème position).
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La litanie des si

Que ne ferait-on pas avec des si ? On peut tout imaginer, on peut tout refaire et tout recommencer avec des si. On peut aussi, comme dans ce livre de Brigitte Giraud, établir une litanie des si, de tous les si qui, si seulement l’un d’eux avait été effectif, auraient empêché la mort de quelqu’un. Car c’est bien le propos de l’autrice que d’examiner la longue liste des circonstances, des événements et des décisions prises qui, au bout du compte, se sont soldés par la mort accidentelle de son mari Claude, le 22 juin 1999, laissant Brigitte sidérée.
Vingt ans plus tard, tout est encore là, gravé en elle, tout l’enchaînement des conditions qui ont conduit à la mort de Claude, un matin où, plutôt que de se servir de sa propre moto, il décida, personne ne peut dire pour quelles raisons, d’utiliser celle du frère de Brigitte, un engin d’origine japonaise (et d’ailleurs interdit au Japon !), ayant la réputation, chez les motards, d’être particulièrement dangereux. Claude y perdit la vie, d’avoir voulu essayer cette machine qui ne devrait rouler que sur des pistes homologuées.
Ah ! Si les Japonais n’avait pas pris la funeste décision de commercialiser ce type de moto en dehors de leur propre pays ! Et si Brigitte ne s’était pas obstinée à vouloir quitter son appartement du centre de Lyon ! Si elle n’avait pas eu un coup de cœur pour une maison avec garage ! Si elle ne l’avait pas achetée ! Si elle n’en avait pas eu les clés à l’avance ! Si son frère n’avait pas voulu laisser sa moto dans le garage ! Et si, et si, et si…
Cette litanie des si, Brigitte Giraud ne l’établit pas et n’en raconte pas les détails pour s’auto-culpabiliser, mais bien plutôt comme une sorte d’enquête, peut-être libératrice. Après tout, son histoire ne s’harmonise-t-elle pas avec celles de beaucoup d’hommes et de femmes qui pourraient, eux aussi, ruminant un événement tragique de leur passé, énumérer leur propre liste de si ? D’ailleurs, en optant pour un style sobre et en se racontant comme on ferait des confidences à des amis, Brigitte Giraud peut être sûre non seulement de susciter l’attention des lecteurs mais de trouver en eux des résonances, celles d’hommes et de femmes qui voudraient, eux aussi, attraper un peu du bonheur de vivre avant qu’il ne soit trop tard.

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Et si...

9 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 52 ans) - 2 août 2024

« Vivre vite » et son corollaire « mourir jeune » qui y est souvent accolé (remember James Dean) est devenu presque un lieu commun, qui a souvent caressé l’âme de presque tout le monde qui est jeune ou qui a été jeune. Heureusement ou malheureusement, c’est selon, beaucoup ont vécu vite étant jeune mais peu en sont morts. Toutefois, ce « peu » est encore de trop et endeuille de façon irrémédiable leurs familles et amis.

Ce livre, « Vivre vite » raconte l’un de ces deuils, vécu par l’auteure, Brigitte Giraud, dont le mari s’est tué à moto un funeste jour de 22 juin 1999, dernier mois de juin du dernier siècle avant le nôtre. Jeune, il l’était encore, à 41 ans. Oui, il n’y a pas vraiment d’âge pour vouloir vivre vite, même un moment, un seul, au milieu d’une vie devenue adulte, responsable, marié et père d’un enfant.

Mais au fait, que s’est-il passé dans sa tête, ce jour-là, un jour comme un autre, que rien ne semblait différencier d’autres jours tout aussi ordinaires et banals, et qui pourtant fera une différence tellement énorme, celle du passage de la vie à la mort, pour qu’il en arrive à mourir, bêtement, stupidement, irrémédiablement ?

C’est toute cette question du comment cela est-il, a pu arriver, cet accident qui n’aurait jamais dû avoir lieu, que la femme de cet homme, 20 après les faits, écrivaine de son état, tente de donner une réponse, si elle est possible, en rembobinant tous les multiples faits qui ont précédé le dernier fait, inéluctable et mortel, et qui aurait pu être évité si telle chose n’avait pas été fait, si telle autre chose avait été faite, si ceci, si cela etc, toute une litanie de « si » dont si un seul d’entre eux était advenu, l’accident n’aurait pas eu lieu et son mari serait à l’heure actuelle encore vivant et ce livre n’aurait jamais vu le jour.

Mais aucun de ces « si » n’est arrivé et Brigitte Giraud a donc fait ce livre, un peu en mémoire de son mari qui n’est plus de ce monde, mais surtout pour retracer l’enchainement des faits qui a abouti à cette mort, pour, en manière de catharsis, tenter de la comprendre à défaut d’en pouvoir changer quoi que ce soit. Et il est vrai que sa démonstration est impressionnante de maîtrise, sans pathos, mais avec une émotion retenue qui transparaît à toutes les pages. Et c’est efficace, construit comme un thriller, et on tourne les pages, happé par le récit de l’étonnant enchaînement des faits qui donne l’impression qu’il ne pouvait qu’aboutir à la mort de son mari, que cette ultime finalité ne pouvait être qu’inévitable. Il est vrai que c’en est troublant, tel que Brigitte Giraud le rapporte, avec ses drôles de coïncidences et l’entrecroisement parfait des timings. Après, c’est au jugé de chacun d’y voir du sens ou non, de la prédestination ou non.

Une écriture simple, facile à lire mais dotée d’un style efficace, un récit bien construit du début à la fin, donne un livre fort et digne, qu’on ne peut que saluer, qui marque, et qui donne à réfléchir sur le sens de la vie et du destin, si destin il y a.

La torture des contingences

7 étoiles

Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 5 novembre 2023

L'auteur a perdu son conjoint jeune suite à un accident. Bien des années plus tard, elle revient sur ses circonstances, détaillant à la limite de l'obsession chaque point d'inflexion qui aurait permis d'éviter le pire.

Dans cette démarche, aussi vaine que probablement essentielle pour l'auteur, on comprend comment un tel événement peut engendrer une vie de ressassement.

Ce roman est très accessible, grave sans être larmoyant, avec même des passages plus légers.

un questionnement tragique du sens de la vie

8 étoiles

Critique de CHALOT (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 76 ans) - 14 mai 2023

Vivre vite
de Brigitte Giraud
206 pages
août 2022
chez Flammarion

Une enquête sur un drame de la vie


La vie et la mort sont indiciblement liées.
Brigitte Giraud ne raconte pas le drame de sa vie, quand son mari est décédé accidentellement à la suite d'un accident au « volant » d'une moto, elle mène une enquête originale.
Ce qui importe n'est pas ce qui s'est passé ce 22 juin 1999 mais ce qui a conduit cet homme aimé, avec qui elle avait des projets d'avenir à enjamber cette moto, interdite de circulation au Japon à cause de sa dangerosité.
Le couple, pressé de se construire une autre vie avec leur fils, leur grand amour à tous les deux, avait jeté son dévolu sur une maison.
Ils avaient mis du temps à trouver la perle de leur vie future et en oubliaient de prendre leur temps.
Pourquoi vivre vite ?
Brigitte Giraud, écrivaine, devait faire un saut à Paris, elle habitante de l'agglomération lyonnaise pour rencontrer son éditeur.
Ah si elle n'était pas allée vers la capitale ? C'est l'une de ses premières réflexions.
Tout devait se dérouler simplement,Claude ne devait pas prendre cette moto que son frère avait garée dans le garage de leur future maison dont il avait les clés.
Il est un fan de moto mais aussi un bon conducteur.
Pourquoi a-t-il fallu qu'il prenne cette fameuse Honda 900 dite Lame de feu au lieu de la sienne ?
Avec des si, on refait et on défait le monde et on refait l'histoire.
L'auteure nous invite à faire le tour de tous les si et ils sont nombreux et divers.
Le problème c'est qu'un accident n'est pas inéluctable mais imprévisible et dépend de circonstances bien précises qui s'enchaînent.
Oui mais pour se reconstruire ou pour essayer de vivre, il faut comprendre.
Tout s'est enchaîné de la mauvaise façon et rien n'y a fait.
De toutes les questions que se pose Brigitte Giraud, une seule revient en boucle :
«  Qu'est-ce qui lui a pris d'aller travailler, le mardi 22 juin au matin, avec la moto de mon frère, et pas avec sa propre moto, sa Suzuki inoffensive, sur laquelle il roulait plan-plan... »
La vie ce n'est pas toujours du « plan-plan » !
C'est un peu le sens de la vie que revisite l'auteure avec nos interrogations.

Jean-François Chalot

Récit cathartique

5 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 7 mai 2023

Tout le monde a sans doute refait le film de ses choix et des options prises ou ignorées qui ont eu pour conséquence une orientation de vie différente.

Dans ce livre, l’autrice retrace 20 ans après le décès de son mari dans un accident de moto tous les autres choix d’elle-même, du défunt et de protagonistes qui auraient conduit à éviter ce décès.

Comme dit l’expression, avec des si, on mettrait Paris en bouteille.

Mais outre la catharsis que constitue sans doute ce livre, écrit avec une plume de grande qualité, je dois avouer que j’ai plutôt été dérangé que séduit par ce catalogue d’hypothèses qui conduisent davantage à culpabiliser qu’à se libérer.

Récit intime et émouvant mais inachevé

5 étoiles

Critique de Ichampas (Saint-Gille, Inscrite le 4 mars 2005, 60 ans) - 18 février 2023

Attirée par ce récit, sans l'avoir lu, je l’ai offert à ma nièce, à ma sœur, étant que ce qui nous lie est le départ de sa mère, de notre sœur.
Son écriture est limpide, un récit intime et émouvant.
Ce livre m’a émue, je l’ai lu rapidement mais je l’ai refermé avec le sentiment d’inachevé
J’ai eu la sensation de tourner en rond, peut-être et certainement je m’attendais à autre chose.

"On rembobine cent fois"

9 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 9 février 2023

Il y a 20 ans, Claude le compagnon de Brigitte Giraud s’est tué en moto. Seul, en démarrant au feu vert à Lyon.
Ils venaient d’acheter une maison et Brigitte avait réussi à avoir les clé avant la vente.
Elle reprend chaque instant précédent l’accident, dressant la liste des "si", relatant sa culpabilité au fil des pages.
"Je reviens sur la litanie des "si" qui m’a obsédée pendant toutes ces années. Et qui a fait de mon existence une réalité au conditionnel."

Un récit sans pathos où la douleur, le chagrin sont présents sans être envahissants ; l’occasion d’évoquer son amour pour Claude et leurs souvenirs communs. Mais c’est aussi un livre qui se lit comme une enquête pour essayer de comprendre les circonstances qui ont conduit à l’accident mortel.
" Vous savez comme il est nécessaire d’attribuer la faute. Même si c’est à soi."
Un livre touchant bien sûr, très juste dans sa relation et sa construction.

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