Les hommes de Poutine: Comment le KGB s'est emparé de la Russie avant de s'attaquer à l'Ouest de Catherine Belton
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« Se méfier de l’eau qui dort »
Le pire n’est pas exclu à la lecture hallucinante de ce tableau reconstitué jusqu’en 2020 pour l’Histoire. Pendant la Guerre froide bien avant la dissolution de l’URSS les agents secrets progressistes du KGB(1) en poste à l’étranger avaient observé la supériorité de l’économie libérale des pays démocratiques. Ils ont vite appris à contourner l’embargo sur les technologies avancées occidentales par la corruption, le marché noir à grande échelle, l’alliance avec le crime organisé de la drogue, de la contrebande d’armes et de la prostitution. Ayant anticipé la faillite soviétique ils avaient créé un système sophistiqué de blanchiment d’argent sale et de transfert des richesses négociables du pays vers l’étranger. Un tel système dénommé « obshak » mis en retrait avec les oligarques de l’ère Eltsine est ressorti toujours plus glouton depuis lors.
Installé à Dresde en RDA(2) Vladimir Poutine, alors jeune officier du KGB a commencé à tisser en sous-main une toile devenue un instrument de pouvoir sans limite au fil des quatre décennies suivantes. Astucieux mais incolore en apparence il a su se faufiler au milieu du chaos de la présidence Eltsine, d’abord comme maire adjoint à Saint-Pétersbourg, plus tard à la tête du KGB/FSB à Moscou. Là au terme d’une ascension fulgurante, il a été désigné successeur à la présidence contre l’immunité judiciaire accordée aux détournements financiers du clan Eltsine. L’espoir d’une Russie enracinée dans la démocratie maintenu durant ses deux premiers mandats n’aura été qu’illusion pour abuser les esprits sans méfiance des dirigeants de l’Ouest convaincus de l’attrait de leur propre modèle de développement pour le reste du monde.
En façade le pouvoir russe tenait un double langage destiné aux diplomates et aux investisseurs invités à participer au redressement de son économie. Le discours officiel confirmait l’allégeance au droit international, au marché libre et concurrentiel, à la poursuite des privatisations. En interne le KGB et ses alliés entamaient la mainmise du pays pour le compte du Kremlin autant qu’à leurs profits personnels. Ils ont consolidé progressivement leur pouvoir jusqu’à contrôler 50% du PIB russe. Ils se sont autorisés à nommer les maires et gouverneurs des provinces au lieu de les faire élire, à transformer les médias privés en outils de propagande, à s’emparer des secteurs lucratifs de l’énergie, des ports et des transports, des télécoms et de la construction, à détourner l’appareil judiciaire contre les opposants.
Les « révolutions de couleur » en Géorgie et en Ukraine(2004) ressenties comme une menace aux frontières ont réveillé l’impérialisme nationaliste de la Russie ravivant le sentiment de sa grandeur perdue. Les chefs religieux orthodoxes l’ont encouragé rejoints par des descendants des familles russes exilées en Europe, celles qui avaient fui la révolution bolchevique(1917). Les finances publiques russes remises à flot par l’envolée des cours du pétrole, les agents du KGB/FSB et leurs amis ont pu mobiliser des centaines de milliards de dollars des caisses noires ou « obshaks » disséminés dans les paradis fiscaux, les blanchir impunément dans les banques européennes et américaines peu regardantes sur les origines de ces mannes financières.
Au final ces agents placent leurs pions dans les rouages politico-économiques des démocraties avec l’objectif affirmé de les fragiliser pour les faire tomber un jour ou l’autre. Leur méthode consistant à infiltrer des élites et des opinions publiques en a fait les champions du lavage de cerveau insidieux par la propagande ciblée, les cyberattaques, la désinformation. Leurs ingérences européennes dont le Brexit est un exemple, leurs financements occultes des partis extrêmes à droite comme à gauche ne fait plus de doute. Un chapitre (50 pages) intitulé « le réseau et Donald Trump » plus qu’édifiant est consacré au recyclage lucratif d’argent impossible à tracer pour préserver la Trump Organization de faillites successives.
L’alerte mondiale de Catherine Belton se lit comme un thriller. Journaliste britannique d’investigation, ancienne correspondante occidentale à Moscou, elle a recueilli elle-même les témoignages oraux directs ou non des proches de l’ancien et du nouveau pouvoir russe(3), s’est appuyée sur des enquêtes menées par d’autres journalistes, sur les Panama Papers et sur des procédures judiciaires. Des centaines de personnes pro-russes y figurent, leurs entreprises, leurs réseaux officiels ou officieux, leurs montages financiers opaques souvent frauduleux. Involontairement entre les lignes transparait une faiblesse du tsar tout puissant : son manque de sang-froid à plusieurs reprises face à des événements dramatiques comme s’il était tétanisé de peur…
Interview de l’auteure : https://talenteditions.fr/actualite/…
Accès aux notes et sources : e-mail contact@talenteditions.fr en précisant le titre du livre (?).
Livre de Mikhaïl Sygar : « Les homme du Kremlin – dans le cercle de Vladimir Poutine » https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/53559
(1) Les membres des KGB/FSB/SVR sont les agents secrets de la police politique et du renseignement extérieur du pouvoir soviétique devenu russe.
(2) République Démocratique Allemande ou Allemagne de l’Est communiste, avant sa réunion (1991) avec la RFA (République Fédérale Allemande) ou Allemagne de l’Ouest démocratique
(3) Une liste de la vingtaine des principaux protagonistes interrogés de 2008 à 2018 et quelques lignes sur chacun d’eux figure au début du récit, mais il manque un index des noms propres et des sigles.
Les éditions
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Les hommes de Poutine: Comment le KGB s'est emparé de la Russie avant de s'attaquer à l'Ouest
de Belton, Catherine
Talent Editions
ISBN : 9782378152581 ; 23,90 € ; 13/07/2022 ; 592 p. ; Broché
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