La guerre des jours lointains
de Akira Yoshimura

critiqué par Monito, le 11 octobre 2004
( - 52 ans)


La note:  étoiles
et toujours présents
La littérature japonaise contemporaine est souvent l’expression de la trace indélébile du dernier conflit mondial et notamment des 6 et 9 août 1945. YOSHIMURA ne fait pas exception, toutefois sa Guerre des jours lointains, au-delà d’une longue description des bombardements américains jusqu’à la reddition nippone, pose de nombreuses questions.
Elle pose la question de la culpabilité. Elle pose la question de la proportionnalité d’un acte meurtrier : vit-on mieux, est-il plus grave de tuer consciemment, de ses mains, un homme ou de larguer aveuglement des bombes qui en tuent plusieurs centaines à la fois ?
La fuite du héros jusqu’à son jugement et sa sortie de prison ne font pas l’objet d’émotion outrancière, c’est toute la force de l’ouvrage, une certaine distance, même du héros vis à vis de lui-même.
Assez noir, ce roman laisse planer l’espoir par une végétation renaissante. Il montre aussi la rapidité avec laquelle l’Homme oublie et passe à autre chose. Les nouvelles habitudes de vie des Japonais de par l’occupation américaine est symptomatique, parfois même douloureux. La description d’un Japon d’après guerre est utile pour des occidentaux qui connaissent mal l’Asie.
Ce roman donne une vision sobre et franche du Japon et souligne également que quel que soit le camp auquel on appartient, la guerre ne finit jamais vraiment tant son souvenir est prégnant. Un beau roman.
Héros ?... Criminel ?... Ça tient à "si peu" de choses... 9 étoiles

Hier Takuya était un héros patriote. Il a courageusement obéi aux ordres de ses supérieurs en décapitant un prisonnier responsable de la mort de centaines de civils innocents.
Aujourd'hui dans le camp des vaincus, c'est pour cette même raison qu'il est devenu un criminel de guerre activement recherché...
À travers la fuite de Takuya, Yoshimura nous livre une description implacable du pilonnage en règle subie par le Japon - valse incessante des bombes incendiaires en prélude à l'horreur absolue d'Hiroshima et de Nagasaki - puis des conditions extrêmes de l'immédiate après-guerre.
C'était mon premier livre de cet auteur, mais c'est certain, je relirai du Yoshimura.

Alaouet - - 61 ans - 23 juin 2012


B comme Boeing ... 9 étoiles

Fin 1945, au lendemain de la reddition de l'Empereur du Pays du Soleil Levant : les cendres des villes japonaises pilonnées pendant plus d'un an par les américains sont encore tièdes, l'écho des deux bombes atomiques résonne encore.
À peine descendus de leurs bombardiers B-29 dans lesquels ils écoutaient du jazz en rasant les plus grandes villes de l'archipel et décimant les populations civiles, les américains entament une série de procès contre les "criminels de guerre" japonais.
Les gradés se suicident à la chaîne pour échapper à la honte d'une arrestation par les vainqueurs arrogants.
Ancien officier de la défense anti-aérienne, Takuya vient d'être démobilisé. Lui-même a décapité, sur ordre, un aviateur US tombé de son bombardier.
Soucieux d'échapper à une condamnation (et certainement à une pendaison), il abandonne maison et famille et prend la fuite à travers le pays ravagé, en proie à la famine.
De son écriture minimale et distanciée, Akira Ysohimura décortique avec une précision chirurgicale les absurdités de la guerre et les états d'âme de la population japonaise, l'arrogance des vainqueurs et l'humiliation des vaincus.
Derrière sa prose d'apparence lisse et mesurée, on devine les failles laissées par ces terribles événements.
Mais Akira Yoshimura est trop fin pour se contenter de fustiger l'arrogance des armées d'occupation. Ce n'est pas son but et il ne défend pas de thèse : dans le même chapitre où il se demande si les américains considéraient les japonais vraiment comme des êtres humains pour oser ces bombardements massifs, il rapporte le sort réservé aux malheureux parachutés, jusqu'à la vivisection pratiquée par les médecins militaires nippons curieux de découvrir les secrets de ces grands gaillards blonds.
Chacun lira donc ces pages avec ses propres yeux, qui ne sont pas japonais.
Même la relecture (on avait découvert cette Guerre des jours lointains, il y a quatre ans) semble apporter un éclairage encore différent.
Pour notre part, on y a redécouvert l'ingéniosité des militaires américains, toujours prompts à inventer de nouvelles stratégies guerrières quels que soient l'époque et le lieu : après les premiers essais à Dresde et Hambourg, le Japon eut droit à l'extermination massive de ses villes et de sa population civile, jusqu'à la solution finale avec Little Boy et Fat Man.
Poursuivi par ces horreurs et la crainte de la police militaire, Takuya parcourt son pays ravagé, en plein désarroi, en pleine famine aussi puisque même le riz est devenu une denrée rare.
Dans cet ouvrage tout comme dans Naufrages, Akira Yoshimura démontre encore une fois sa maîtrise d'une langue sobre et sèche qui convient parfaitement à cette histoire sombre, aux relents de fin du monde.
Yoshimura a rédigé là un devoir de mémoire : ce qui doit être dit (et écrit) avant d'autoriser l'oubli.
Un livre où l'on découvre la guerre du côté des perdants.

BMR & MAM - Paris - 64 ans - 8 juillet 2010


Quel livre magnifique... 10 étoiles

Le héros, le thème de ce "roman" est, d'abord, non un pays mais un tout jeune homme, déboussolé, qui ne comprend pas comment on peut être un héros patriote (comme tous les soldats de toutes les armées du monde...) un jour et devenir le lendemain, un criminel de guerre recherché par toutes les polices... sachant qu'il garde des soldats américains qui viennent de tuer des dizaines de milliers d'innocents, des civils.

Yoshimura nous montre bien l'inutilité, l'impasse de la guerre. En Europe, on a toujours une vision occidentale des destructions, là, on a un tableau hallucinant du Japon dans l'immédiate après guerre, c'est saisissant. Et plus encore, comme c'est au Japon, la force du groupe. Pour ne pas attirer l'opprobre sur sa famille, il la fuit comme il fuit tout groupe constitué. C'est un très beau roman sur "le jour d'après", peut on parler de résilience ? En tout cas, il montre la volonté d'oublier, de tourner la page, la capacité à bâtir le futur des japonais qui ont vécu cette période, qui appartient au passé.

J'ai trouvé ce livre aussi fort que "pluie noire" roman du côté des victimes (avant d'être une palme d'or...)

Idelette - - 61 ans - 17 avril 2010


Un récit historique utile 8 étoiles

Dans les jours qui ont suivi les premiers bombardements massifs du Japon par l'aviation américaine et qui se sont conclus par le larguage des deux bombes nucléaires, la réaction des militaires japonais fut terrible. Les aviateurs capturés furent froidement exécutés, décapités au sabre, sur ordre des autorités le plus souvent, parfois même après la reddition officielle du pays.

C'est le récit de l'un des acteurs japonais qui est présenté dans ce roman très proche de la réalité semble-t-il. Cet épisode peu connu, en tout cas rarement évoqué, mérite réflexion de notre part, d'autant qu'il hante encore de nos jours la société japonaise : où se trouve l'honneur ? Qu'est-ce que la justice ?

Ce "fait divers" horrible est longuement évoqué dans l'excellent roman de Jean Pérol, "le soleil se lève à Nippori" dont on peut recommander la lecture à cette occasion

Tanneguy - Paris - 85 ans - 1 mai 2008


Une guerre de plus et pas la moindre ! 6 étoiles

Pour changer, nous voilà plongé une fois de plus dans la guerre ! Mais elle est différente de celles auxquelles nous sommes habitués. C’est une autre culture… Si une partie des Allemands étaient aussi des fanatiques, ils n’avaient cependant pas développé la culture des samouraïs, du seppuku, ni des kamikazes.

Moi, ce qui m’a surtout frappé ici c’est, comme d’habitude, les visions totalement opposées de chaque camp. Les Japonais ont été aussi odieux que les Allemands dans tous les territoires qu’ils ont occupés, si pas plus. Dans leurs camps de prisonniers il en allait de même et les lois de la guerre ne les encombraient pas trop ! Nous le savons et malgré tout nous pouvons parfois les comprendre.

Voilà qu’ils reculent un peu partout et que leur pays croule sous les bombes. Après tout, ils l’ont cherché !... Mais cela n’empêche pas que nous comprenons la colère de ces soldats qui voient leur pays brûler et détruit sous leurs yeux. L’usage intensif et aveugle des bombardements américains sur des objectifs civils nous choque aussi, surtout quand ils utilisent des bombes incendiaires. Quand il s’agit de la bombe atomique c’est cent fois pire encore !... Ici, il nous paraît que nous atteignons un des sommets de l’horreur !

Quant aux jugements rendus uniquement par des tribunaux ennemis, on doute pour le moins de l’objectivité. Malgré les crimes commis, parfois sous les effets de la rage, nous suivons avec intérêt et une certaine compréhension le cheminement difficile de Takuya. Cela permet d’ailleurs aussi à l’auteur de nous expliquer ce que c’était que la vie dans ce pays vaincu.

Une différence aussi par rapport à l’Allemagne réside dans l’effondrement avec lequel est reçu le discours de l’Empereur. Ils étaient prêts à mourir jusqu’au dernier en se battant et non à se rendre. Les Allemands auraient volontiers accepté une reddition plus rapide et moins coûteuse en vies humaines.

Il est bien à craindre que la guerre fasse partie intégrante de la nature humaine !

Ce livre est malgré tout un peu long. Je crois que c'est le moins bon livre japonais que j'aie lu...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 12 janvier 2008


Le récit froid d'une réalité effrayante 4 étoiles

A la fin de la seconde guerre mondiale, l'officier Takuya Kiyohara apprend qu'il est recherché par les autorités pour crime de guerre. En effet, au lendemain de la défaite, ses supérieurs ont donné l'ordre d'abattre au plus vite les aviateurs américains retenus prisonniers, et il a fait partie du peloton d'exécution.
Devant la menace d'une arrestation et d'une condamnation à mort, il n'a d'autre choix que de fuir. Commence alors un long périple pour tenter d'échapper à son passé, mais il est difficile d'oublier un homme que l'on a exécuté.

Akira Yoshimura a fait le choix d'une grande distance pour raconter les souvenirs de guerre et la fuite de son héros, et il en résulte une grande froideur.
C'est cette froideur qui m'a gênée, car j'ai du mal à comprendre que quelqu'un qui a vécu l'horreur d'Hiroshima et de Nagasaki puisse à ce point s'en détacher, même si l'un des points soulevés par ce livre est justement la rapidité à laquelle les Japonais ont semblé oublier cet horrible crime.



Aliénor - - 56 ans - 21 juin 2005