Balthazar
de Lawrence Durrell

critiqué par CCRIDER, le 11 octobre 2004
(OTHIS - 76 ans)


La note:  étoiles
Sans Melchior ni Gaspard
Ce livre est , en fait le deuxième mouvement du "Quatuor d'Alexandrie" ,oeuvre ( OVNI littéraire ) que Durrell a composé en s'inspirant de la création musicale avec ses thèmes récurrents , ses arias , ses solos , ses incursions dans le futur , ses retours en arrière , son théâtre d'ombre, de personnages qui apparaissent , disparaissent laissant le lecteur éberlué .
Durrell aurait pu tout aussi bien l'intituler " Alexandrie , tome 2 " , mais il a préféré "Balthazar" du nom d'un personnage , sorte d'érudit israélite bizarre , chef d'un groupuscule d'aimables hurluberlus passionnés par la cabbale , ce qui lui vaudra quelques déboires de la part de la police secrète . Paradoxalement , on apprend peu de choses nouvelles sur lui par rapport à ce qu'on avait découvert dans "Justine" . En effet , chez Durrell , tout n'est que cul de sac , fausses pistes ou trompe l'oeil . Il faut , à tout prix , par une narration kaléidoscopique , explosée même , laisser le lecteur se perdre dans des suppositions et des hypothèses , ce qui , s'il est curieux , accrocheur et pas trop rebuté par le style , le fait avancer dans l'oeuvre , presque malgré lui , un peu comme dans un labyrinthe éclairé par des néons aussi clignotants qu'aléatoires .
L'histoire est donc impossible à résumer et même à présenter dans ses grandes lignes tant elle est foisonnante de personnages . Le sujet qui intéresse l'auteur est la ville elle-même , la nature , le cadre ( fascination pour le bord de mer , la plage , le désert ) le temps qui passe ( après "Justine" et l'été de l'amour , nous voici avec "Balthazar" arrivés à l'automne , le ton est plus grave, la tristesse s'installe . On est confrontés à la mort de Scobie , dans des circonstances bien glauques et à la disparition de Justine qui était la beauté solaire du livre , le personnage autour duquel tout les autres , hommes et femmes , gravitaient .
Un grand livre , pas vraiment facile d'accès , mais qui mérite l'effort que l'on se donne . Amateurs de SAS , San-Antonio et autres Gavalda s'abstenir .
Second roman du « Quatuor d’Alexandrie » 10 étoiles

« Le quatuor d’Alexandrie constitue l’œuvre majeure de Lawrence Durrell. Il s’agit d’une histoire racontée à quatre voix (Justine – Balthazar – Mountolive et Clea), une histoire alexandrine, de cette ville d’Egypte, Alexandrie, où le statut d’apatride semble celui qui convient (convenait ?) le mieux. Dans les quatre romans, on reviendra sur la même histoire peu ou prou, valse lente entre une dizaine de protagonistes à Alexandrie, mais la même histoire sera revisitée à chaque fois par un personnage différent, apportant un éclairage supplémentaire ou noyant dans une ombre inquiétante ce qu’on croyait avoir compris …
Dans le premier épisode, « Justine », tout gravitait autour de cette femme complexe, amante de Darley qu’on prenait pour le (un) personnage principal dans la mesure où c’était par sa voix que nous entrions dans l’histoire. « Justine » se terminait dans une formidable accélération par l’éclatement du cadre : Capodistria tué lors d’une partie de chasse au canard, Justine fuyant Alexandrie et l’Egypte, Darley bourrelé de remords vis-à-vis de Nessim son ami – mari de Justine.
« Balthazar » bouleverse d’entrée tout ce qu’on prenait pour des bases solides. En effet, Darley est exilé dans une île isolée avec la fille qu’a eu Nessim avec Melissa (morte), Melissa la danseuse et maîtresse de Darley, et très vite, dès le départ de « Balthazar », le Balthazar en question, médecin philosophe (description largement insuffisante tant les personnages de Durrell sont complexes !) arrive dans cette île troubler l’exil de Darley et amener une masse d’informations nouvelles à Darley – et au lecteur par la même occasion ! – sous la forme du manuscrit de Darley portant sur son histoire à Alexandrie annoté, complété, totalement remis en question en fait par ce brave Balthazar.
Et dans « Balthazar », nous prenons connaissance de ces éléments avec Darley, nous révisons les raisonnements qui paraissaient logiques, nous abordons de nouvelles pistes et, je dois le reconnaître, l’intérêt pour ce « Quatuor d’Alexandrie » prend une dimension qui n’existait pas – pour ma part – dans le premier opus, « Justine ». Et même, mieux que cela, la lecture des notes de Balthazar amène Darley à réviser, en quelque sorte « en direct » sous les yeux du lecteur, ce qu’il croyait être ses convictions, et lui ramène en mémoire des faits qui ne l’avaient pas frappé, des évènements dont il n’avait pas jugé utile de les rapporter. Ce sera d’ailleurs ainsi tout du long du « Quatuor ». Chaque opus revient sur les précédents mais nous amène aussi un peu plus loin dans le temps, à l’image du temps qui jamais ne reste statique mais nous emmène toujours plus loin, sans répit.
Nous apprenons ainsi – et lui surtout l’apprend – qu’il était complètement dupe de ce qu’il croyait être sa relation d’amour avec Justine, celle-ci le manipulant manifestement pour servir de paravent à la relation d’amour à sens unique qu’elle avait, elle, avec Pursewarden, l’écrivain britannique misanthrope. Apparait dans « Balthazar » un personnage considérable, qui sera l’objet du troisième opus, l’ambassadeur anglais Mountolive. Narouz, le frère de Nessim, fait aussi une entrée remarquée, personnage étonnant qui va prendre, lui aussi une importance capitale dans les opus à suivre.
Il n’est pas anodin de signaler que Darley – dont nous apprenons le nom seulement dans ce second opus – porte les mêmes initiales L.G. que Durrell « himself » ! L’intention est claire.
Il est par contre anodin de signaler –puisque ceci ne concerne que moi, humble lecteur – que cette lecture du « Quatuor », à partir du dernier tiers de « Justine » s’est effectuée lors d’un voyage en Inde et que j’étais à Darjeeling, lisant à ce moment « Balthazar », quand je me suis rendu compte que Lawrence Durrell était né en Inde et avait fait ses études au Lycée de … Darjeeling, dans les premières marches de l’Himalaya. Si ce n’est pas un signe … !

Tistou - - 68 ans - 5 juin 2012


C'est incroyable ! 9 étoiles

J'ai lu la totalité du "Quatuor" quand j'avais 20 ans et j'en avais été émerveillé ! Et puis, voilà de cela quelques mois je n'ai pu résister à la tentation de le relire et cela après des années d'envie de le faire... Un flop total ... J'ai arrêté "Justine après une cinquantaine de pages ! Je ne rentrais plus dans ce livre que je trouvais terriblement lent et compliqué. Où était l'intérêt ?... Je ne le trouvais plus !... Or, je suis bien convaincu que c'est une oeuvre exceptionnelle !... Aurais-je choisi un mauvais moment ?... Pas en forme pour lire cela à ce moment là ?... Devenu par trop habitué à mes chers Américains qui vont bien plus vite au but ?... Je ne sais pas, mais il faudra que j'essaye à nouveau ! Sur base de mes anciens souvenirs, je mets le même nombre d'étoiles que Saint-Germain dont je connais la sûreté de goût.

Jules - Bruxelles - 80 ans - 13 avril 2005


La troisième dimension 9 étoiles

Toujours sous le charme de « Justine », voilà que je termine le deuxième volet du « Quatuor d’Alexandrie ». Le narrateur, après avoir envoyé le manuscrit de « Justine » à Balthazar, le philosophe observateur de service, a la surprise de le voir débarquer sur son île. Balthazar ne vient pas seul. C’est un peu comme s’il était accompagné de tous les personnages d’Alexandrie : il lui rend son manuscrit, couvert de corrections, de notes, de précisions. Et la vérité, si toutefois elle existe, surgit. La lumière est ainsi faite sur le comportement atypique de Justine, sur la mort de Scobie, sur un meurtre. On y rencontre le frère et la mère de Nessim, tous deux fascinants.

Plus facile d’accès, ce livre met en place une technique assez hallucinante où l’on voit se déconstruire petit à petit nos déductions liées au premier tome. Non seulement il faut reconstruire le puzzle à partir de nouvelles pièces, mais on se rend compte qu’il est en trois dimensions. Ce qui ne change pas, c’est la sensualité quasi magique qui émane d’Alexandrie. Impossible de résister, merci monsieur Durrell…

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 13 avril 2005