Ce qui oppose Georges Damville à Alexandre Damville est plus qu'une simple rivalité professionnelle. S'ils avaient été frères, peut-être... Mais Alexandre est le père de Georges : une génération les sépare.
Alexandre est un "grand" de la littérature contemporaine. Peut-être le plus grand. Il fuit les mondanités, et se moque du qu'en-dira-t-on. Là où il n'écrit pas, il se sent comme un poisson hors de l'aquarium. Moitié misanthrope, moitié séducteur, sa relation ambiguë avec les femmes et les hommes du monde, si elle paraît condescendante, est en réalité très éclairée et assez pessimiste.
Si Alexandre, qui désespère de la jeunesse, laisse des empreintes indélébiles dans la littérature, son fils Georges, engagé en politique, écrit pour son époque.
Dans ce livre, la littérature prend les mille visages qu'on lui connaît tour à tour. L'oeuvre spirituelle et froide du père contre l'oeuvre temporelle et bouillante du fils. Pourquoi écrit-on ? Pour la réussite, par foi, par plaisir, par amour des mots, pour l'immortalisation des idées, pour détruire ce qui fut, pour édifier quelque chose de nouveau ?
Derrière la lutte des Damville, c'est la lutte du progrès et de la réaction. De la révolte et de la sagesse. De la nouveauté et de l'ancienneté. D'une part comme de l'autre, il y a l'intelligence, et surtout la certitude que le pouvoir réside bel et bien dans l'écriture.
On parle des femmes, meilleures lectrices qu'écrivains, mais qui sont pourtant ce qui exerce le plus de fascination sur les Damville.
Dieu est évoqué aussi, ce qui ne surprendra guère les lecteurs de Michel de Saint-Pierre, par le personnage d'Yvonne Lebrun. Car Alexandre, tout athée qu'il soit, est l'héritier du catholicisme parce qu'il va à contre-courant de la modernité. Aujourd'hui où la modernité est devenu le prétexte facile à toutes les absurdités, lire ce livre permet de mieux comprendre les raisons de ceux qui, sans être attachées au passé, ne se fatiguent guère de courir après l'avenir.
Il faut lire ce livre, il est très facile, parfois drôle, et les personnages sont d'une finesse que l'on ne rencontre plus beaucoup. Un incontournable auteur de la littérature catholique et désabusée, tombé dans l'oubli, certes, mais qui ne connaît pas de rides.
Martin1 - Chavagnes-en-Paillers (Vendée) - - ans - 20 juillet 2014 |