Journal d'Aran et d'autres lieux de Nicolas Bouvier
Catégorie(s) : Littérature => Voyages et aventures
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Le magnétisme d'Aran
Avant mon pélerinage irlandais, ce texte de Bouvier appartenait déjà à la rubrique "favoris".
Après, c'est... comment dire... une révélation, une appréciation à leur juste valeur des mots de Bouvier, de son talent pour raconter les ambiances et les paysages en quelques mots, par quelques phrases bien pesées qui disent tout dans une subtile économie de langage.
"La route bute contre un mur qu'on escalade: derrière, c'est une infinité de croix de pierre grise, moussues, couchées, dressées, plantées tout de guingois dans une herbe d'un vert indicible. A l'ouest, le pré jonché de tombes descend vers une tour munie d'une seule ouverture à quatre mètres du sol et qui a la forme d'un crayon."
Quelques lignes et tout est dit, admirable résumé de paysages qui composent l'Irlande, de ces vestiges que l'on découvre un peu partout dans le pays (et pas uniquement dans un Glendalough devenu trop touristique).
Tout le texte est de cette richesse d'imagination. Nicolas Bouvier n'a pas besoin d'en faire trop avec les mots, ils parlent d'eux-mêmes comme si sa plume remplaçait les mots par des dessins et des photos.
Ce "Journal d'Aran", journal de bord de quelques jours passés en 1985 à Clon-mac-Noïse pour un reportage est dans ce sens une merveille. On sent le vent, le froid, la chaleur des habitants, la présence des moutons, on devine le désarroi de Bouvier (fiévreux, grelottant, se demandant ce qu'il fabrique dans cet endroit oublié du monde) et son attirance grandissante pour ce coin de terre désolé et séduisant à la fois. Au fur et à mesure des jours passés à Aran, on se laisse conquérir par l'endroit, on le parcourt à pied en compagnie de Bouvier, on y est, on y vit et on finit, comme lui, par tomber amoureux de ce petit bout du monde.
C'est humain, c'est beau, bien plus qu'un simple récit de voyage classique
Les éditions
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Journal d'Aran et d'autres lieux [Texte imprimé], feuilles de route Nicolas Bouvier
de Bouvier, Nicolas
Payot & Rivages / Petite bibliothèque Payot (Paris).
ISBN : 9782228894067 ; 8,37 € ; 01/06/2001 ; 166 p. p. ; Poche
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Récits de voyage
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 11 mars 2006
« La route, elle aussi, étroite, bleue, brillante de glace, tourne sans rime ni raison là où elle pourrait filer droit et prend par la plus forte pente les tertres qu’elle devrait éviter. Elle n’en fait qu’à sa tête. Le ciel , gouverné par vent d’ouest, vient de faire sa toilette, il est d’un bleu dur. Le froid – moins quinze degrés – tient tout le paysage comme un poing fermé. Il faut conduire très lentement ; j’ai tout mon temps. »
(Vous connaissez l’Irlande – et je parle même pas de l’île d’Aran ? C’est tout à fait ça, la route étroite qui tourne quand elle pourrait tirer droit et qui passe les collines par le plus haut au point qu’arrivé au moment de basculer on ne sait ce qu’il y aura derrière !)
C’est qu’il écrit bien le bougre ! Il voyageait bien aussi et il sait à la perfection nous faire partager cet état de bonheur incertain dans lequel on se trouve dans l’état de voyageur. N. Bouvier a aimé et percé l’âme irlandaise, plus particulièrement des îliens d’Aran, un monde à part dans ce pays à nul autre pareil.
Un second chapitre est consacré à la Corée : « Les chemins du Halla San ». Les considérations philosophiques sur la vie se mêlent aux souvenirs des péripéties du voyage. C’est que N. Bouvier est un voyageur intelligent. Il absorbe paysages et impressions comme une éponge et nous les restitue en quelques lignes magiques.
« Taegu. La gare, masse de béton inachevée, est très loin du centre. Un fort vent de nuit fait voler la poussière sur les silhouettes de voyageurs fléchis sur leurs valises. Interminable agglomération – je n’ose pas dire ville – blessée, noirâtre, excrémentielle, dont les nouvelles constructions ont déja l’air de ruines. A mettre avec Oshiamambe (Nord Japon) et Radauci (dans la Moldavie de Ceaucescu) au palmarès des des lieux à quitter aussitôt sous peine de conséquences incalculables. Mais voilà, il n’y a plus rien qui aille vers le Sud-Ouest et il faudra bien y passer la nuit. Le bus qui nous amène vers le centre bondit dans les rues défoncées. Chaque fois que le chauffeur klaxonne, une mandarine en plastique suspendue au rétroviseur s’allume et scintille pathétiquement. Miracle économique ! »
Le recueil se termine par Xian. Courte relation d’un voyage dans la Chine classique. Plus exactement, hommage à Monsieur X qui fût son guide à Xian.
Lire Nicolas Bouvier, c’est indéniablement voyager intelligent.
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