L'air est différent
de Laurence Skivée

critiqué par JPGP, le 15 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Laurence Skivée la discrète
Laurence Skivée va à l’essentiel, cultive l’intensité mais dans un au-delà de la tension avec souvent un temps de narration tout sauf évident : le passé simple dont le « nous t’entourâmes » entoure l’âme. Souvent un tel temps « fait »son prétentieux ici, lorsqu’il remplace l’imparfait, il devient la syntaxe d’une précision au couteau. La mort est là, puissante, lancinante mais prend un drôle d’air (pas un air drôle) au moment où malgré tout la poétesse redécouvre ce qu’elle souligna dans un livre de la bibliothèque qui grandissait tous les jours : « Mon corps est un visage d’enfant ».

Elle le retrouve en devenant qui elle est. Car si le passé fut écrit, ce livre permet de lire l’avenir. Le lecteur trouve dans une telle écriture la loyauté de l’auteure avec son moi profond, telle qu’il fut et tel qu’il redevient par la maîtrise du langage. L’auteure s’efface derrière lui pour être plus présente en jouxtant la limite silencieuse où elle a été reconduite une fois « Lupina partie ». Désormais elle s’ose, parle. Sans le moindre mot de trop.

D’autant que pour le faire elle possède un solide passif : « Ensemble nous dormions sur des livres / Respirant Eugène / S’enivrant de Jack & John / Rêvant de Marguerite / Flanant ave Marcel Robert Gertrude et Witold ». Ne manque peut être que Flannery. Et Samuel pour l’économie de moyen. L’auteur se retrouve ici telle qu’elle est : chasseuse de poussière même dans son écriture. Le désordre ne l’intéresse pas. Elle élimine l’inutile. Là où la présence s’épuise, triomphe la présence de celle qui combat. Et la Belgique continue de proposer ces irréguliers de la langue dont l’écriture marque et laisse des traces fortes. Grâce à Laurence Skivée le souvenir prolonge la mort par la vie. En fixant la première pour sauter par dessus.

Jean-Paul Gavard-Perret