La Nuit de Valognes de Claudia Jullien, Éric-Emmanuel Schmitt, Pierre Brunel (Préface)

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Théâtre

Critiqué par Jules, le 21 octobre 2004 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (945ème position).
Visites : 16 636  (depuis Novembre 2007)

Superbe !...

La première édition de cette pièce de théâtre date de 1991, alors que celle du « Visiteur » date de 1994. Nous sommes donc encore loin de l’Eric-Emmanuel Schmitt auteur à grand succès d’aujourd’hui. Et pourtant !… Il y fait déjà la preuve d’un très grand talent ! Tout comme « Le visiteur » cette pièce est rondement menée et l’intérêt ne faiblit pas un instant.

Dans « La nuit de Valognes » nous sommes transportés dans un manoir de Normandie. La Duchesse de Vaubricourt attend ses invités. Il s’agit de quatre femmes et un homme. Sa nièce, Angélique est alitée à l’étage et l’homme attendu sera accompagné de son valet Sganarelle. Vous avez déjà deviné que le seul homme attendu est Don Juan. Les femmes arrivent une par une : la comtesse de la Roche-Piquet, Mademoiselle de la Tringle, Hortense de Hauteclaire dite « La Religieuse » et enfin Madame Cassin. La Duchesse est assistée de sa servante Marion.

Il y a deux points communs entre chacune de ces femmes : elles ne connaissent pas le but de cette invitation et elles ont toutes profondément souffert à cause de Don Juan, même si elles commencent par s’en défendre.

La Duchesse s’explique et annonce que le but de la soirée est de faire un procès à Don Juan et de le condamner à épouser sa nièce, Angélique, qui se meurt d’amour pour lui à l’étage. Non seulement il devra l’épouser, mais en plus il aura à la rendre heureuse, il ne pourra jamais la tromper ! Comment compte-t-elle arriver à cela ?… Elle possède une lettre de cachet en blanc, signée par le roi, qui lui permettrait d’envoyer Don Juan à la Bastille à n’importe quel moment pour le reste de sa vie…

Arrive un Don Juan sans âge et très à l’aise. Il connaît son charme et sait en user. Les répliques fusent. La Duchesse qui s’étonne que le nombre des conquêtes françaises de Don Juan représente bien peu de choses à côté des autres s’entend répondre : « Madame, les Françaises sont belles mais trop faciles. Mon maître aime qu’on lui résiste. »

Sa nièce de vingt ans se meurt d’amour ?… « Vingt ans, il n’y a qu’à vingt ans que l’on est assez vivant pour vouloir mourir. » Il est reproché à Don Juan que sa technique semble par trop souvent identique. Réponse : « Pourquoi voudriez-vous que le loup change quand les agneaux restent les mêmes ? »

Bref, Don Juan accepte le procès et le verdict. Il s’y soumet, s’engage à épouser Angélique et à ne pas la tromper. Cette acceptation, facile, étonne et inquiète les cinq femmes. Elles ont bien raison, car rien ne va se passer comme elles l’auraient voulu. Les perdants dans cette affaire ne seront pas ceux que l’on croit et Don Juan nous réservera une énorme surprise !

Même Dieu va y laisser quelques plumes, annonçant peut-être « Le visiteur » qui nous sera donné quelques années plus tard. Et ce sera « La Religieuse » la plus véhémente ! Ecoutez-là :

« - Dieu est un sacré cochon !

- Je le hais. Cela fait dix ans que je me suis mariée avec Dieu, et que m’a-t-il donné, en dix ans ? Pas ça ! Rien. Il ne m’a pas rendue moins sotte ni plus laide, Il n’a pas chassé un seul de mes désirs qui me tourmentent, au contraire c’est à croire qu’Il les attise. Dieu de pardon ? C’est moi qui suis obligée de tout Lui pardonner : Ses silences, Ses absences, Son indifférence, ma claustration et mon ennui. » Et elle ajoute : « Il s’amuse comme un petit fou là-haut. »
Don Juan se demande « Et s’il avait raison ? » et La Religieuse lui répond : « Je vais vous le dire, moi, Dieu n’existe pas, ou alors c’est le diable qui l’a inventé ! »

Les deux dernières répliques de Don Juan sont superbes : il souffre profondément, mais il est le vainqueur moral de toute cette histoire.

Une pièce merveilleusement bien enlevée, comme nous en voyons trop peu, et écrite dans une langue superbe qui n’est pas sans nous rappeler celle utilisée à cette époque.

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À Valognes, la nuit porte conseil...

9 étoiles

Critique de Le Cerveau-Lent (, Inscrit le 4 avril 2010, 31 ans) - 14 avril 2010

Sacré Don Juan va!

Les débuts de Schmitt étaient déjà précurseurs d'un grand talent...
On y trouve un Don Juan un peu (trop?) résigné face à une troupe de femmes assoiffées de vengeance... [En particulier "La Comtesse", dont la répartie est cuisante et "la religieuse" qui comme le dit si bien Jules, est la plus véhémente, avec sa réplique des plus délectables...]

Lire cette pièce fut un plaisir, la voir doit être jubilatoire...

Love it !

10 étoiles

Critique de Nouillade (, Inscrite le 13 mars 2008, 33 ans) - 13 mars 2008

Je ne connaissais pas du tout ce (fort) bon auteur avant de lire La nuit de Valognes.

Cette réécriture est parfaitement réussie, et elle m'a tout de suite plu.

Le mélange des registres, oscillant entre pathétique, et comique est très subtil, et permet de nuancer intelligemment cette pièce sans tomber dans quelque chose d'assez maladroit.

E.-Emmanuel Schmitt parvient à nous faire oublier le Don Juan de Molière ou même de Tirso de Molina, en seulement quelques pages.

J'ai trouvé le personnage de Don Juan attachant et vrai, et de faire de lui ce qu'il est dans ce livre (sans rien dévoiler...) est tout bonnement génial. Je ne m'y attendais pas le moins du monde, et bon, ben... J'adore !!

Un fort bon recyclage

9 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 18 mars 2007

Les sceptiques, parmi lesquels mon demi-frère, y voient une resucée de Don Giovanni de Mozart, mais il s'agit de théâtre et le décor n'est pas le même. Ce projet de procès est une trouvaille, et la manière dont il se délite, sans qu'il y ait vraiment d'audience, est le fruit des joutes de ces Dames, toutes truculentes dans leur genre. La bonne soeur et Mlle de la Tringle - quel nom approprié - sont des victimes candides, Mme Cassin - qui intervient peu - est la raison-même - aussi cette qualité ne façonne-t-elle pas un très bon personnage de comédie - , la Comtesse de la Roche-Picquet une sorte d'allégorie de l'amoralité cinglante, une sorte de Merteuil, la Duchesse empruntant un peu à chacune d'elle, d'où son rôle central de Procureur-Présidente de Cour - ou plutôt de chambre - .

Don Juan a vieilli et s'est assagi, et cela va bousculer les projets de ces Dames, qui veulent le marier à la nièce de l'hôtesse d'accueil, jeune fille qui tangue entre naïveté et clairvoyance. Le personnage-phare apprend également certains éléments sur sa propre nature.

Paraît-il que, justement, l'auteur est passionné de Mozart. On pourrait craindre en effet le pire, depuis le créateur originel, Tirso de Molina, puis Molière, Mozart, et même Jacques Weber dans son film.

Mais cette pièce n'est pas vaine, bien qu'un brin facile. Elle nous dresse une belle galerie de portraits, de vieux tableaux réjouissants de répartie. On y passe un bon moment.

Excellent!

10 étoiles

Critique de Bibou379 (, Inscrite le 26 mai 2005, 40 ans) - 2 octobre 2006

Peu de mots à rajouter à cette critique, je l'approuve et je dis encore !!!! Dialogues piquants où toutes les femmes se retrouvent et où Don Juan est toujours aussi adorable .... Vraiment cet auteur est plus que talentueux! Je l'adore!

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