Comment je suis devenu stupide de Martin Page
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Comment je ne suis pas devenu stupide...
« Il avait toujours semblé à Antoine avoir l'âge des chiens. Quand il avait sept ans, il se sentait usé comme un homme de quarante-neuf ans ; à onze, il avait les désillusions d'un vieillard de soixante-dix-sept ans.
Aujourd'hui, à vingt-cinq ans, espérant une vie un peu douce, Antoine prit la résolution de couvrir son cerveau du suaire de la stupidité. Il n'avait que trop souvent constaté que l'intelligence est le mot qui désigne des sottises bien construites et joliment prononcées, qu'elle est si dévoyée que l'on a souvent plus avantage à être bête qu'intellectuel assermenté. » C'est sur ces lignes que commence l'excellent petit roman de Martin Page. Des lignes qui annoncent - contrairement à l’affirmation du titre – un récit intelligent, pétillant d'humour et de savoureux aphorismes.
Antoine a l'intelligence acérée – comme un clou qui lui lacérerait la vie, le rendant même inaccessible à ce que les autres appellent le bonheur : « La vérité sort de la bouche des enfants. À l'école primaire, une insulte infâme était d'être traité d'intello ; plus tard, être un intellectuel devient presque une qualité. Mais c'est un mensonge : l'intelligence est une tare. Comme les vivants savent qu'ils vont mourir, alors que les morts ne savent rien, je pense qu'être intelligent est pire que d'être bête, parce que quelqu'un de bête ne s'en rend pas compte, tandis que quelqu'un d'intelligent, même humble et modeste, le sait forcément. »
Pour lutter contre cette redoutable intelligence qui fait de lui un handicapé du bonheur, Antoine essaiera plusieurs démarches : c'est sur ces diverses tentatives que s'articule - très simplement - la narration. Il tentera de s’initier à l’alcoolisme auprès d’un « spécialiste », prendra des cours de préparation au suicide, se procurera enfin auprès de son médecin - un pédiatre… – des petites pilules rouges d’« Heurozac » qui lui apporteront peut-être, un temps, un succédané de bonheur. Il tentera même de « normaliser » sa vie en devenant grâce à Raphi, un ami d’enfance, une sorte de « jeune cadre dynamique » presque conforme au modèle ; mais - et le détail aura son importance – sans jamais parvenir à apprécier le café, qui constitue pourtant l’un des attributs de l’agent de change : « La tasse de café est une question de standing, un bon agent de change a toujours une tasse de café à la main ou sur son bureau. Exactement comme un flic a son arme, un écrivain son stylo, un joueur de tennis sa raquette, l'agent de change travaille avec son café ; c'est son outil de travail, son marteau-piqueur, son Smith & Wesson. »
Cette tentative d'intégration réussira-t-elle ? Antoine le solitaire trouvera-t-il l’âme sœur ? Des questions – entre autres - qu'abordera le narrateur dans un style « degré zéro » brusquement teinté de quelques perles poétiques : « C'était un de ces matins à l'orée de l'automne où la lune réussit à survivre au jour. Le soleil n'apparaissait pas dans le ciel : il perçait délicatement dans toutes les individualités naturelles et urbaines, transpirait des pétales de fleurs, des immeubles anciens et des visages fatigués des passants. Dans l'holocauste fécond du temps qui passe fleurissent pour les yeux traumatisables les seuls véritables édens, ceux dont l'architecture est une sensation. »
Comment je suis devenu stupide. Certainement pas en lisant ce roman, qui serait plutôt un antidote à la bêtise, un peu à la manière du Dictionnaire des idées reçues de Flaubert, dont une page de la correspondance est citée dans un contexte particulièrement surréaliste. A découvrir…
Les éditions
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Comment je suis devenu stupide [Texte imprimé] Martin Page
de Page, Martin
le Dilettante
ISBN : 9782842630409 ; 15,00 € ; 01/01/2001 ; 218 p. ; Broché -
Comment je suis devenu stupide [Texte imprimé] Martin Page
de Page, Martin
J'ai lu / J'ai lu.
ISBN : 9782290319871 ; 5,80 € ; 17/07/2003 ; 124 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (20)
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Le titre parle de lui-même
Critique de Meuhriel (, Inscrite le 11 septembre 2015, 31 ans) - 8 mai 2019
Cette stupidité n'est par ailleurs en rien péjorative, bien au contraire. Elle serait le facteur du bonheur, grâce à l'ignorance du monde et de ses faiblesses.
Antoine entreprend donc un périple psychologique afin d'aboutir au bonheur et à la félicité, mais qu'en est-il de sa personnalité ?
En somme ça a été une bonne lecture, rapide et intéressante. J'ai beaucoup aimé la plume de Martin Page qui nous dépeint des personnages hauts en couleur du début à la fin, un peu à l'image des personnages de l'Ecume des jours de Boris Vian. Un plaisir !
Un beau programme
Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 25 juin 2013
D’excellents moments- surtout au début du bouquin - dont le programme du cours de suicide et son ami As qui mesure plus de deux mètres, parle uniquement en alexandrins et est phosphorescent la nuit …
Se lit facilement et agréablement.
Extrait :
« - Pourquoi tu n’as plus d’amis ? »
« - Ils ont moisi. Je n’avais pas remarqué qu’ils avaient une date de péremption. Il faut faire attention à ça. Mes amis ont commencé à avoir de traces de pourriture, des taches vertes assez dégoûtantes. Ce qu’ils disaient commençait à sentir mauvais … »
Distrayant
Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 31 août 2012
Dommage car l'idée de départ de ce jeune homme, Antoine, voulant devenir stupide par n'importe quel moyen pour échapper à son malheur plus ou moins lié selon lui à son intelligence était intéressante.
Au final un petit livre distrayant.
Comment je suis devenu stupide
Critique de Ravachol (, Inscrit le 24 octobre 2010, 41 ans) - 21 mai 2012
J'avais commencé par la BD que j'avais trouvé archi-nulle. Le livre l'est un peu moins, il possède un humour suffisant pour nous tenir en haleine. Mais la relation avec ses amis est, je trouve, très fausse et caricaturale. Le tout manque de finesse, comme s'il y avait une culture et une contre-culture. On peut très bien alterner bouse culturelle et oeuvre d'intello sans forcément perdre la face.
En même temps, Martin Page n'a pas voulu faire là une oeuvre sociologique (si?) et finalement c'est divertissant quand même.
Vraiment dommage
Critique de Laurent63 (AMBERT, Inscrit le 15 avril 2005, 50 ans) - 25 janvier 2010
Moué...
Critique de Franckyz (, Inscrit le 9 janvier 2006, 46 ans) - 22 octobre 2007
Une satyre pleine de style
Critique de Lectrice (Pas de calais, Inscrite le 8 octobre 2004, 50 ans) - 10 novembre 2005
Sympathique
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 7 septembre 2004
Néanmoins, il est toujours agréable de se rappeler que nous vivons dans un monde cinglé et qu'un petit Antoine sommeille en nous, prêt à dénoncer d'une manière ou d'une autre les travers de notre société.
Ce roman est plus léger qu'inspirant. Mais fort agréable tout de même.
Quand la stupidité est programmée
Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 27 avril 2004
Antoine n'a guère d'amis. Par non-envie de se fondre dans un groupe de copains formés à l'identique. Un jour, il décide de devenir alcoolique puis suicidaire. Mais sans succès. Alors pourquoi ne pas devenir bête, idiot, normal, passe-partout.
"Une personnalité, c'est un luxe qui me coûte trop cher. Je veux être un spectre banal. J'en ai assez de ma liberté de pensée, de ma satanée conscience".
Antoine commence par se défaire de tous ses livres et s'achète une télévision. En route pour la lobotomie volontaire. Pour la cure de bêtise.
Jolies leçons de stupidité avec ce chercheur de tranquillité. Qui n'atteint pas le but fixé. Parce qu'il contourne trop facilement les pièges du conformisme.
Mots légers et humour fou. Un vrai régal.
fraîcheur pas assumée
Critique de B1p (, Inscrit le 4 janvier 2004, 51 ans) - 2 avril 2004
Le curieux faisceau de références étonne, entre nutella enfantin, chanteuses islandaises et digressions sur un Alain Finkielkraut placardé au milieu de pin-up's. C'est ce qui fait le charme de l'ensemble, ce qui lui donne quelque chose de naïf, comme un adolescent qui refuserait de devenir adulte tout en se gavant en cachette de grands écrivains philosophes lus à la lampe de poche sous les couvertures. C'est aussi ce qui fait la limite de l'entreprise car on ne trouvera point de gravité au détour des pages, juste une observation critique mais amusée de la réalité.
Et puis, s'il fallait pointer la grande faiblesse du roman, ce serait la forme, bien trop sage comparée à la fraîcheur du propos. Pour lire quelque chose de réellement original et qui assume son originalité jusqu'au bout, lisez plutôt la "Parfaite Journée Parfaite" du même écrivain, et là, c'est réellement jouissif du début à la fin.
Fond très bien, forme très pas bien !
Critique de Drclic (Paris, Inscrit le 13 mars 2004, 48 ans) - 2 avril 2004
L'auteur part du constat qu'il est dans un état de lucidité permanente qui engendre une souffrance depuis son plus jeune âge. Très bien, excellent même.
1ere Solution embrumer son esprit : logique. Il se jette dans l'alcoolisme. Ce début de roman est plutôt drôle et captivant .... 1/2 verre de bière : coma éthylique. Soit, l'alcool c'est pas pour lui.
Il s'ensuit des évènements absurdes, improbables, en somme décevant et même agaçant de perdre ainsi sa crédibilité et son intérêt de depart.
Je n'attendais pas un conte de ce livre.
Pour résumer,
A vos plumes ! le sujet est encore à exploiter !
Loin d'être le roman du siècle.
Critique de Niddle (Le Raincy, Inscrit le 13 janvier 2004, 45 ans) - 14 janvier 2004
La preuve par l'absurde (I)
Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 24 octobre 2003
Cette tentative se clôture elle aussi par un échec. Son choix sera alors de devenir stupide et il y arrivera au grand désappointement de ses amis. Ce livre démonte par l'absurde tout notre système social. Ce petit roman drôlement intelligent nous démontre qu'il vaut mieux cultiver son originalité même si c'est souvent difficile plutôt que de vouloir ressembler aux modèles publicitaires et aux stars qui inondent nos écrans. Un délicieux voyage en Absurdie qui fait réfléchir!
tonique
Critique de Rotko (Avrillé, Inscrit le 22 septembre 2002, 50 ans) - 4 juillet 2003
Antoine est malheureux, car sa vie, même agrémentée de petits larcins, ne le satisfait pas. Il attribue la responsabilité de son mal-être à son intelligence, qui, non récupérée par la société dans une profession où elle s'exercerait, tourne à vide. Il décide donc, de manière délibérée et concertée, d'acquérir une stupidité qui lui permettra de mieux s'intégrer dans le monde environnant...
Voila donc un conte loufoque qui prend allègrement le contrepied des valeurs admises, et remet en cause les prétendues bonnes conduites.
Les personnages mis en scène sont sympathiques, originaux, et jouent du paradoxe comme Boris Vian de la trompinette. On lit, on rit, on pense aux conversations stéréotypées : Faut-il être "intelligent" pour raconter au voisin de palier l'émission de télé de la veille qu'il a vue comme nous ? que penser de ceux qui essaient de faire revivre les matchs de foot ? ou qui répètent deux fois la même histoire drôle ?
J'ai aussi été frappé par le rôle social des gens réputés "intelligents". C'est vrai que la société "récupère" à son profit nos "talents", au niveau professionnel, et nous récompense en diffusant des niaiseries télévisuelles, notamment. Autre exemple : suffit-il d'avoir une certaine notoriété dans un domaine (être champion de judo par exemple, ou entraîneur de foot) pour donner un avis "autorisé" sur la place des femmes dans la société, ou cautionner la politique du moment ? Etre "intelligent" consisterait précisément à dénoncer ces pratiques admises. On se mettrait ainsi tout le monde à dos. Faudrait-il donc se résigner, fermer son bec et son esprit critique, ce qui veut dire se "décerveler" ? Le petit livre de Martin Page est tonique car il secoue le cocotier !
Un petit roman que j'aurais préféré encore plus petit...
Critique de Virgile (Spy, Inscrit le 12 février 2001, 45 ans) - 24 octobre 2002
Il passe en "J'ai lu"!
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 4 octobre 2002
Quelque chose de Saint-Exupéry
Critique de Esperluette (*, Inscrite le 19 juin 2002, 52 ans) - 25 août 2002
De l'humour et de la fantaisie
Critique de Esperluette (*, Inscrite le 19 juin 2002, 52 ans) - 20 août 2002
Tout à fait d'accord avec Joseph K.
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 16 juillet 2001
Au pays merveilleux de la société de consommation, la stupidité règne en maître
Critique de Josef K. (Saint-Quentin, Inscrit le 4 juillet 2001, 48 ans) - 16 juillet 2001
Sa solution: devenir stupide! Etat souverain au sein d'une société de consommation comme la nôtre!!
Ce livre est une critique acerbe du "Je consomme donc Je suis", on peut néanmoins regretter une fin de toute évidence bâclée.
Ce livre ouvre des pistes de réflexion, ce n'est pas le plus mince des avantages que l'on peut tirer de sa lecture.
Un autre bémol; Martin Page semble quelquefois confondre "intelligence" et "connaissances accumulées", je ne suis pas d'accord du tout, constatant
malheureusement trop souvent, qu'un savoir assimilé ou même très superficiellement acquis est utilisé comme instrument de domination plutôt que d'outils alimentant une capacité à débattre et à échanger.
Ce n'est bien sûr qu'un avis personnel, mais si l'accumulation de connaissances ne permet que de mettre en exergue un "stock de connaissances" supérieur à un autre, alors celles-ci ne valent pas mieux que le produit "argent".
On colle le terme "intelligence" au "stock de connaissances" et le tour est joué: un quitus est délivré, celui qui permet la domination grâce à un certain "capital culturel".
Bon je m'égare, ce livre, je l'ai trouvé rafraichissant et drôle, néanmoins attention à cette certaine confusion (de mon point de vue).
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comment je suis devenu stupide | 3 | B1p | 10 avril 2004 @ 17:57 |
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