Les sources de Marie-Hélène Lafon
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Atavique peur et impossible arrachement
A l'écoute de sa propre mère la narratrice raconte sa propre histoire et la sienne. Au nom d'un gouffre où l'écrivante s'enfonce à partir du divorce qui à l'époque était un scandale et faisait d'une femme une réprouvée.
Se crée à partir de ce point de rupture la force d'une échappée et d'une réorganisation du monde au moment de la mort du père. Tout cela se trame en quatrre dates et trois jpurs dans un travail de reconstruction autour d'un mécanisme atavique d'un implacable faisceau de rouages..
"Les sources" devient une dégringolade et un creusement dans un milieu agricole où la fille narratrice revient - sans rentrer dans la maison qui a été vendu et qui est pourtant un lieu fondamental pour elle puisqu'elle y pasa ses cinq premières années puis quelques autres moments.
Tout un monde est là qui n'est pas vu sauf par ceux pour lesquels des êtres travaillent et dont ils sont les témoins muets. Les interactions sont toutes fondées sur la peur là où l'inceste est la clé et où seul le masculin parle et grince une fois que mai 68 est passé par là et que le monde a changé . Mais sa violence "mâligne" vient aussi de là en dépit d'un respect pour certaines femmes .
Une permanence apparaît. Elle dépasse les seuls souvenirs de l'auteure. Son travail de la langue permet d'éviter tout surplomb, jugement ou pathos dans une inscription géographique précise et qui renvoie à une géographie intérieure. Celle d'une origine et d'une lutte intestine contre l'obscur.
Jean-Paul Gavard-Perret
Les éditions
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Les sources
de Lafon, Marie-Hélène
Buchet-Chastel
ISBN : 9782283036600 ; 16,50 € ; 05/01/2023 ; 128 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (5)
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Une si belle ferme
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 6 mars 2024
La ferme est à leur deux noms, et elle a trois enfants : ses deux filles Isabelle et Claire et le petit dernier Gilles. Elle ne peut pas partir. Alors elle se tait et cache ses hématomes.
Mais il y a Gilles, que le père agresse parce qu’il est son fils, et ce qu’elle lit dans les yeux de son petit est insupportable.
C’est le père qui poursuit le récit ; figé dans une époque qu’il ne voit pas révolue, dégoûté par le laisser aller de sa femme, ses kilos, le travail qu’elle n’est pas capable de faire, alors que lui travaille du matin au soir, et agrandit l’exploitation.
Marie-Hélène Lafon est, pour moi, l’écrivaine de la ruralité ; elle crée des personnages d’une grande justesse, sans aucun manichéisme, détaille les paysages, la vie à la campagne. Révélant d’une belle écriture les secrets et les douleurs enfouis dans des familles où la parole est rare.
Court, puissant .... époustouflant !
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 4 novembre 2023
"Les Sources" paraît en 2023 aux Éditions Buchet-Chastel.
Un très court roman organisé autour de 3 dates :
-> les samedi et dimanche 11 juin 1967 : celle de la séparation d'un couple de paysans aisés vivant dans un village retiré du Cantal. Pierre est un mari violent, craint par sa femme et ses enfants. Violences psychologiques et physiques qui génèrent le départ de son épouse dans le but de protéger ses enfants.
-> le dimanche 19 mai 1974 : Pierre prend la parole. Il vit seul et décrit sa situation de son point de vue. Celui d'un homme abandonné par sa femme, qui a quitté le domicile conjugal (... )
-> le jeudi 28 octobre 2021 : Claire - fille du couple - passe une dernière fois devant la ferme de ses parents. Une vie "liquidée", vendue...
Comme à son habitude, Marie-Hélène LAFON fait court. Des phrases percutantes, une langue où chaque mot est choisi et sonne juste. Au service d'un thème puissant et - malheureusement - encore d'actualité; les violences faites aux femmes. Violences tues dans les années 1960 car sources de honte et de mise à l'écart pour les femmes qui divorçaient .
Un roman qui traverse l'Histoire sociale de la France de 1960 à 2021 où la parole se libère mais où les violences perdurent .
De la Grande littérature !
chronique rurale
Critique de CHALOT (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 76 ans) - 4 juillet 2023
roman de Marie-Hélène LAFON
Édition Buchet et Chastel
118 pages
janvier 2023
chronique rurale
Le lecteur est invité dans le Cantal dans une ferme où vivent Francis, sa femme et leurs trois enfants.
La vie y est rude même si Francis dispose de moyens qu'il a tirés en grande partie de son travail .
Peut-on dire que le couple bat de l'aile ?
Il n'y a plus d'amour, or ils sont jeunes, la trentaine.
La jeune femme s'occupe peu d'elle-même, elle grossit alors qu'elle était svelte, lui est un homme violent qui n'hésite pas à frapper sa femme et à la rudoyer.
Les trois enfants ne sont pas dans l'insouciance, il vivent cette atmosphère lourde et voient bien que leur mère n'est pas heureuse.
« Elle ne mange pas le matin, elle évite les tartines de beurre et de confiture mais elle grossit même sans manger.et tout son corps est devenu mou. »
Comment peut-il en être autrement quand la peur vous habite et que vous n'avez pas connu le bonheur ?
Francis, lui, quand il ne travaille pas, va chercher le plaisir ailleurs, ce qu'il a fait pendant les 27 mois du service militaire au Maroc.
Les jeunes d'aujourd'hui qui entendent parler de féminisme ignorent pour beaucoup d'entre eux que leurs grands-parents n'étaient pas égaux, que l'homme détenait tous les droits et que c'était comme cela depuis toujours.
Si la femme violentée, ignorée dans les peu de droits qu'elle possède, part du domicile conjugal, elle prend, à cette époque, tous les torts à son compte.
C'est ainsi.
Le divorce est la seule issue positive mais toutes les femmes pèsent le pour et le contre, ici, la mère des trois petits fera le pas, à certains moments c'est la seule issue.
Cette chronique émouvante parce qu'elle reflète la réalité, nous rappelle à la fois l'isolement et la dureté de la vie dans les fermes et la condition des femmes.
Jean-François Chalot
« C’est difficile de toujours faire semblant »
Critique de Ludmilla (Chaville, Inscrite le 21 octobre 2007, 69 ans) - 26 février 2023
Comment décrire cet excellent roman sans en dire trop ?
Trois parties de longueurs très inégales :
- 1967, la mère, bientôt trente ans, trois enfants, une ferme, trente-trois hectares, …
- 1974, le père
- 2021, une des filles
Trois parties dans lesquelles on reste spectateur, toutes les phrases étant à la troisième personne (« Elle », « Il » et finalement « Elle »)
Des phrases courtes.
La première partie, la plus longue, où l’on apprend très vite que la vie n’est pas facile pour cette femme :
« Elle est contente de descendre chez ses parents, elle voudrait être contente, on sera chez elle […] il n’aura pas le dessus »
Un excellent roman !
Le poids des traditions et origines
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 5 janvier 2023
Ce roman évoque le poids des traditions familiales, le caractère immuable des choses si simples et incontournables qu'elle semblent vous lier à vie, au point qu'il paraît si dur de s'en éloigner sans trahir, malgré des interrogations légitimes sur une évolution personnelle. Ce tiraillement entre tradition et velléités personnes semble résonner dans l'existence même de l'auteure. Il est touchant et intéressant qu'elle rende hommage à ses "sources", à l'humilité des gens de son territoire d'origine, certainement nécessaire. Après un air de déjà-vu rôde inévitablement dans l'ensemble de son oeuvre, et les interrogations de ce livre paraissent être les siennes, dans son existence autant que dans ses écrits, au point que ses lectrices et lecteurs finissent par les partager.
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