Une saison pour les ombres
de R. J. Ellory

critiqué par Clubber14, le 13 janvier 2023
(Paris - 44 ans)


La note:  étoiles
Un roman pénétrant jusqu'aux os.....
Présentation de l’éditeur :
" Le froid arriva. Et puis le froid s'installa à jamais. "
Nord-est du Canada, 1972. Dans cette région glaciale, balayée par les vents, où l’hiver dure huit mois, la petite communauté de Jasperville survit grâce au travail dans les mines d’acier. Les conditions de vie y sont difficiles. Au-delà du village, il n’y a rien. Juste une nature hostile, quelques ours, des loups. Aussi quand le corps d’une adolescente du village est découvert aux abords de la forêt, la gravité des blessures laisse supposer qu’elle a été victime d’une bête sauvage. Ce sera en tout cas la version officielle. Et tout le monde prie pour qu’elle soit vraie. Mais, quelques temps plus tard, le corps d’une autre jeune fille est retrouvé.

Montréal, 2011. Le passé que Jack Deveraux croyait avoir laissé derrière lui le frappe de plein fouet lorsqu’il reçoit un appel de Jasperville. Son jeune frère, Calvis, est en garde-à-vue pour tentative de meurtre. De retour sur les lieux de cette enfance, qu’il a tout fait pour oublier, Jack découvre qu’au fil des années, l’assassin a continué à frapper. L’aîné des Deveraux comprend alors que la seule façon de mettre fin à cette histoire tragique est de se répondre à certaines questions, parfois très personnelles. Mais beaucoup, à Jasperville, préfèrent voir durer le mensonge qu’affronter la vérité.

Dans la droite ligne de Seul le Silence, RJ Ellory nous offre un roman troublant de beauté et d’émotion à classer sans conteste parmi ses plus grandes réussites.



Mon avis :

Du Ellory pur jus. Les amoureux de l’auteur, dont je fais partie, se régaleront. Ceux qui vont le découvrir en tomberont amoureux.

Ellory, c’est avant tout des personnages. Souvent meurtris par la vie, déchirés. Et qui ne peuvent construire un futur sain et stable sans régler au préalable leurs comptes avec leur passé. Une saison pour les ombres n’échappe pas à la règle. Jacques, ou Jack c’est selon, a quitté sa petite ville minière du Nord du Canada voilà 26 ans. Laissant tout derrière lui : un père alcoolique et sombrant dans la paranoïa et la folie, un petit frère de 12 ans (Calvis) et l’amour de sa vie naissante (Carine). Mais laissant également l’ombre de sa mère et de sa sœur, suicidées quelques années auparavant. Et 26 ans plus tard il est de retour à Jasperville, cette petite ville perdue du Canada où il va devoir affronter les démons de son passé, aider son frère, inculpé de tentative de meurtre, à sortir de prison et tenter d’expliquer sa fuite lâche à son ancien amour de jeunesse. Car si Ellory est le maître incontesté dans la création de personnages, de leur passé, de leurs faiblesses, il faut dire que Jasperville peut être également qualifiée de personnage principal dans ce roman. Déserte, perdue, glaciale, hostile, sont quelques uns des qualificatifs qui iraient parfaitement à cette petite ville canadienne. Elle est présente à longueur du roman, son froid nous pénètre le corps, son obscurité s’installe en nous. Ellory parvient à personnifier Jasperville d’une manière incroyable, un peu à l’image de l’Overlook Hotel dans Shining. Cet hôtel est vivant, a son histoire, son passé. Et bien Jasperville a les siens et ceux qui y ont passé suffisamment de temps n’hésitent pas à la requalifier en Despairville (le contraire de « Jespereville »). Et, comme Jasperville, tous les personnages du roman sont profonds, vivants, intenses. Ellory leur donne non seulement des caractéristiques physiques et de personnalité, mais leur donne une âme.

L’intrigue du roman est également parfaitement montée. Jacques, de retour sur son lieu d’enfance et d’adolescence, va tenter d’aider son frère, emprisonné, en remontant le fil de l’enquête que celui-ci mène depuis quinze ans autour de morts intrigantes de jeunes filles. Ont-elles été tuées par des bêtes féroces et affamées ? par un tueur en série ? ou encore plus étrange par un wendigo ? cet esprit diabolique qui s’insinue dans la tête d’humains faibles pour leur faire commettre d’horribles meurtres ?

Jacques va devoir ainsi combattre ses propres démons tout en menant une enquête policière dans le but d’accuser ou au contraire d’innocenter son frère, tout en tentant de renouer des liens avec son ancien amour de jeunesse, Carine, qui éprouve de très forts ressentiments pour lui, qui l’a abandonnée 26 ans plus tôt.

Ce roman se lit d’une traite. Ellory est le maître absolu dans la création de personnages, desquels le lecteur ne peut que se sentir proche. Ils sont véritablement palpables. La ville est également vivante et son froid nous enlace du début à la fin du roman, telle « La route » de McCarthy. Cet auteur a du génie en lui.
horreur boréale 10 étoiles

Thriller ou polar ? Voilà un roman qui ravira les amateurs de ces deux univers littéraires. L’horreur est présente, au travers des corps sauvagement mutilés de jeunes filles que la police locale a (trop) vite fait d’attribuer à des animaux sauvages, dans cette ville minière de l’extrême-nord du Québec où circulent toujours les vieilles légendes algonquines mettant en scène des esprits affamés de chair humaine. Il s’agit pourtant d’une enquête, celle menée par Jack Devereaux, revenu vingt-six ans plus tard dans ce coin perdu qu’il avait cru pouvoir définitivement oublier, afin d’apporter de l’aide à son frère, accusé d’une tentative de meurtre sur la personne d’un ingénieur de la compagnie minière. Les souvenirs affluent, la mort et la folie qu’il a vécues au sein de sa propre famille alternant avec sa quête inlassable d’une vérité qu’il redoute pourtant de découvrir. Une réussite totale, un récit haletant maintenant constante l’attention du lecteur, l’émotion affleurant à toutes les pages…

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 26 août 2024