« Le quatuor d’Alexandrie constitue l’œuvre majeure de Lawrence Durrell. Il s’agit d’une histoire racontée à quatre voix (Justine – Balthazar – Mountolive et Cléa), une histoire alexandrine, de cette ville d’Egypte, Alexandrie, où le statut d’apatride semble celui qui convient (convenait ?) le mieux. Dans les quatre romans, on reviendra sur la même histoire peu ou prou, valse lente entre une dizaine de protagonistes à Alexandrie, mais la même histoire sera revisitée à chaque fois par un personnage différent, apportant un éclairage supplémentaire ou noyant dans une ombre inquiétante ce qu’on croyait avoir compris …
Et voici donc Mountolive, qu’on découvre au début de ce « Mountolive » jeune diplomate du Foreign Office, venant faire son initiation à la carrière, à l’Egypte et au monde compliqué de l’Orient, chez Leïla et Falthaus Hosnani. Soient les mère et père de Nessim et Narouz, ni plus ni moins. C’est au cours de ce séjour de quelques mois que Mountolive deviendra l’ami de Nessim mais aussi, et peut-être surtout, l’amant de Leïla. C’est l’occasion de revisiter une nouvelle fois l’histoire initiale déployée dans « Justine », en remontant d’abord plus avant dans le temps et en finissant plus loin, encore un peu plus loin, à l’époque où sur la fin de sa carrière Mountolive obtient en quelque sorte son bâton de Maréchal ; le poste d’ambassadeur au Caire. L’occasion de se rapprocher de Leïla qu’il n’avait pas revu depuis … des lustres (l’amour n’est jamais simple ni heureux sous la plume de Lawrence Durrell, dans la vie réelle peut-être pas non plus, d’ailleurs).
A ce titre, « Mountolive » nous éloigne un temps de l’histoire initiale, mais c’est pour mieux nous apporter les éléments complémentaires qui permettent d’interpréter … mieux ( ?) … différemment ( ?) l’histoire initiale. Lawrence Durrell jette en quelque sorte les fondations solides, objectives, sur lesquelles il aurait pu baser toute la tragédie de son « Quatuor ». Mais le « Quatuor » ne serait pas le « Quatuor » s’il avait procédé ainsi. C’eût été un roman en quatre tomes quand il est en fait bien plus. Un peu ce qu’est un prisme diffractant à une banale lentille optique !
L’affaire prend, contre toute attente, un tour politique qu’eût été bien en peine de soupçonner notre pauvre Darley, héros initial. Un tour politique dans lequel Nessim et Narouz jouent un rôle de premier plan, ainsi que Mountolive évidemment. Et au cours duquel le rôle de Darley apparait définitivement comme un élément très secondaire.
On ne peut négliger non plus l’histoire particulière qui unit Mountolive et Leïla et qui aurait constituer un ouvrage à part. Là encore, la virtuosité de Durrell éclate au grand jour, capable d’intégrer un roman spécifique à une immense histoire observée de tous les points cardinaux possibles.
Tistou - - 68 ans - 8 juin 2012 |