27 courtes pages ! Il s’agit en fait d’un manuscrit retrouvé et publié par les Editions Corti en 2023, 16 ans après la mort de Julien Gracq.
»On peut se demander pourquoi le manuscrit reproduit dans cette édition, avec son titre sur la couverture, paginé avec soin, qui semble prêt à être imprimé, n’est jamais arrivé entre les mains de José Corti. Peut-être le texte a-t-il semblé trop resserré à Gracq pour envisager une publication séparée, sans qu’il trouve cependant sa place à l’intérieur d’un autre volume. Si, en 1942, la plupart des poèmes de « Liberté Grande » sont écrits, le recueil ne pouvait absorber la forme narrative de « La Maison » … »
Le narrateur, « je », situe délibérément les choses pendant l’occupation allemande. Il explique qu’il avait coutume – presque chaque semaine - d’effectuer en autocar le trajet de V… à A… (on nous commente dans la postface que V… pourrait bien être Varades et A… Angers, l’identification du « je » à Julien Gracq ne paraissant donc pas aberrant).
Et pendant ce trajet, une vision l’obsède, à chaque passage, celle d’une villa, perdue dans une friche, entourée de bois, qui n’aurait rien à faire là …
»Inattendue certes, car, dans ce pire coin de campagne sourde et muette, elle figurait assez bien, vue de la route, une de ces villas de prétentieuse et médiocre apparence que le siècle commençant a multipliées sur les plages de second ordre. La maison, trop haute pour sa largeur, était comme écrasée entre deux avant-corps qui faisaient légèrement saillie sur la façade et s’encapuchonnaient, sous un auvent d’ardoises très saillant soutenu par des boiseries grossièrement sculptées, de deux pignons aigus forés chacun, assez haut au-dessus du toit de la façade, du trou noir d’une fenêtre ouverte. »
La suite sera la rencontre du narrateur avec cette villa, un non-évènement que Julien Gracq parvient à rendre captivant, nous immergeant totalement, de par son style foisonnant et d’une extrême richesse de vocabulaire, dans l’environnement ensauvagé de la ruine et dans la perspective d’une rencontre qui aurait pu avoir lieu. Pas simple mais on est chez Julien Gracq aussi !
La comparaison du style de Julien Gracq d’avec la production littéraire actuelle est saisissante. Et pas en faveur de ce qui s’écrit actuellement !
Tistou - - 68 ans - 9 avril 2025 |