Une histoire belge.

L'historien Jean Stengers a consacré plus de quarante ans de sa vie à étudier l’histoire de la Belgique et de ses rois mais il s’est surtout concentré sur la vie du Roi Léopold II et sur l’histoire du Congo. Il a été professeur à l’université Libre de Bruxelles et est mort en 2002. En 2020, ses héritiers, écœurés d’entendre à longueur de journées les inepties diffusées par les médias belges à propos de Léopold II et du Congo-ex-Belge, ont eu la bonne idée de rassembler en un seul volume l’essentiel de tout ce que leur ancêtre avait écrit sur le sujet.

Ce livre raconte donc un siècle d'histoire des Belges au Congo : ça va du 17 février 1860, date du premier discours colonial du futur Léopold II quand il avait 19 ans, au 30 juin 1960, date de l'indépendance du Congo.

Tous les aspects de la politique coloniale de Léopold II puis de la Belgique, sont abordés sans à priori ni parti-pris. Parce que l’auteur ne plaide pas, il raconte. « L’historien, nous dit-il, doit s’efforcer de comprendre, il ne doit pas juger ». Et, si je ne me trompe, il est bien le seul historien qui ait parlé du Congo sans juger. Alors chacun, qu’il soit pour ou contre Léopold II, ou pour ou contre la colonie, trouvera dans cette étude tous les arguments pour alimenter, soit son admiration, soit sa haine, pour Léopold II et pour l’œuvre coloniale de la Belgique.

Le livre commence par une page d’histoire vraiment passionnante. Elle raconte toutes les circonstances incroyables qui ont permis à Léopold II de réaliser son rêve – certains diront son obsession – de posséder une colonie.
Comment « ce petit roi d’opérette », comme l’appelaient ses rivaux, est arrivé à ses fins, est une histoire si incroyable, qu’on la lirait comme un roman. En même temps un voile est levé sur l’étrange personnalité de Léopold II : ce Roi était-il un vrai philanthrope, était-il un idéaliste un peu naïf, ou jouait-il le rôle du faux-naïf alors qu’il était rusé comme un renard ? Personnage idéaliste ou personnage machiavélique ? ce sera au lecteur d’en décider. Toujours est-il qu’il a réussi, seul contre tous, à posséder un immense territoire africain qui était convoité par toutes les grandes puissances de l’époque.

Ensuite l'auteur décrit les grandes étapes de l’histoire du Congo-ex-Belge : après la création de l’État Indépendant du Congo en 1885, on suit l'évolution, très controversée, de cet État ; puis l’installation de la colonie par les Belges en 1908 ; ensuite, après avoir décrit les principaux aspects de la vie coloniale, l’auteur développe les conditions de l’indépendance, dont on a commencé à parler en décembre 1958, et qui aura lieu le 30 juin 1960.

Par ailleurs, l'auteur s'attache à couper les ailes aux vilains canards qui colportent des légendes noires, aussi bien que dorées, à propos du passé colonial de la Belgique. « Il s’attache à démystifier ces légendes, nous dit-il, avec la seule volonté de restituer la vérité du passé ». Il le fait parfois avec un certain humour, et je me suis demandé si cet humour était volontaire ; mais on reste stupéfait de voir combien ces légendes ont la vie dure.

Cette critique est déjà trop longue et ce n’est pas ici le lieu de donner mon avis personnel sur la colonie. Mais je voudrais vraiment que les décérébrés, qui dégradent les statues du Roi Léopold II dans nos villes, lisent ce livre ; ou qu’on leur fasse la lecture avec les explications nécessaires, s’ils sont analphabètes. Je pense que ce serait bien si ces hurluberlus savaient au moins pourquoi ils en veulent à Léopold II. Mais on ne doit pas se faire d’illusion ! Les exploits de ces vandales ont lieu la nuit et les chaînes de télévision les accompagnent avec micro et éclairage… De quoi les porter d’un coup au rang des célébrités ! Alors…

D’ailleurs l’auteur nous dit que les récriminations contre le régime colonial et Léopold II n’ont commencé qu’avec la génération qui n’avait pas connu la colonie.
Ce que l’auteur souligne aussi, et qui est assez curieux, c’est que d’une manière générale, les Belges de la métropole ont commencé à s’intéresser réellement à la colonie quand ils ont entendu parler d’indépendance. Les coloniaux vivaient pratiquement en autonomie et les Congolais ne faisaient pas de politique… Pas de nouvelles, bonnes nouvelles, disaient-on en Belgique, et les nouvelles venant du Congo étaient plutôt rares et constamment bonnes. Et on sait que les bonnes nouvelles n’intéressent pas les médias.

Pour tous les amateurs d’Histoire, et particulièrement les Belges, ce livre arrive à propos. Il est à espérer que les autorités qui ont enfin décidé d’enseigner l’histoire du Congo-ex-Belge dans les écoles en prendront connaissance. Il remet les pendules à l’heure en racontant objectivement une aventure probablement unique dans l’Histoire de l’humanité. Et cette histoire est… une histoire belge !

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  Congo: Mythes & réalités

  de Stengers, Jean
  Racine
  ISBN : 9782390251415 ; 25,95 € ; 20/10/2020 ; 317 p. ; Broché

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