Nouvelles aventures et mésaventures de Lazarillo de Tormes
de Camilo José Cela

critiqué par Septularisen, le 29 avril 2023
( - - ans)


La note:  étoiles
UN VÉRITABLE ROMAN PICARESQUE CONTEMPORAIN!
Dans ce livre, Lazarillo de Tormès fait le récit de ses aventures et mésaventures, à l'instar du célèbre aïeul qu'il s'est choisi: le chef-d’œuvre espagnol du XVIe siècle…

Le nouveau Lazarillo voit le jour, à l’orée du XXe siècle à Ledesma, près de la rivière Torès en amont de Tejarès. Né de père inconnu et d’une mère «un peu trop vivante», pauvre nourrisson abandonné par sa mère quelques jours après sa naissance, il est recueilli par des chevriers, et nourri par les mamelles des chèvres. Il leur fausse toutefois compagnie dès l'âge de huit ans, ne supportant plus d’être régulièrement battu.

Il se met au service de trois sacripants, voleurs et musiciens ambulants, s'attache ensuite à un mendiant-philosophe, puis à un bon hidalgo, rêveur et poète, il parcourt ainsi à pied de village en village, toute l’Espagne. Il n’est plus qu’un «aventurier de la route», un homme libre, sans nom, sans papiers, sans attaches, sans bagages, cherchant de ville en ville, un maître à servir… Étrangement, ses maîtres sont tous plus sordides et inquiétants les uns que les autres. On le vole, on le dupe, on l’escroque, on le chasse, on l’exploite, on le bat… Mais tous lui apprennent quelque chose, et tous vont, à leur manière, contribuer à parfaire son caractère et son éducation.

Il finit apprenti apothicaire, puis valet d'une horrible sorcière qui prétend lire le futur dans les cartes, mais encore une fois, il s’enfuit sur les routes, voulant voir la capitale Madrid. Mal lui en prend, puisque arrêté par la Garde Civile, il est enrôlé, - à l’insu de son plein gré -, dans l’armée…

Avec «Nouvelles aventures et mésaventures de Lazarillo de Tormes», M. Camilo José CELA (1916 – 2002), reprend avec beaucoup de talent, et beaucoup d’audace aussi, il faut le dire, le modèle du roman «picaresque», pour nous donner à lire son «Lazarillo». Le nouveau Lazarillo, - comme l’ancien d’ailleurs -, nous raconte sa vie et ses aventures au service de maîtres différents. Aventures qui, - comme par hasard -, se terminent toutes mal!
Camilo José CELA réussit ici la gageure de nous restituer les tours (et détours), pendables du picaro. Toujours très divertissants (il n'a d’ailleurs rien à envier à son illustre prédécesseur…), avec sa malice, son cynisme, sa gouaille, sa roublardise, son manque de scrupules avec, parfois, une pointe de sentimentalisme et de générosité.

Que dire de plus? C’est très bien écrit, c’est divisé en 10 «traités» (comme le fit l’auteur inconnu de l’autre «Lazarillo»), c’est très drôle, très divertissant, malgré le sujet qui parfois ne s’y prête vraiment pas! Les personnages sont tous très bien réussis, tous très singuliers. Tous débordent de vie, se retrouvent dans des situations et des péripéties incroyables, mais tous sont inoubliables…

La fin du livre reste très ouverte, Lazarillo et l’auteur lui-même nous parlant ouvertement d’une éventuelle suite, racontant des nouvelles aventures de Lazarillo et sa vieillesse. Ce livre ne verra jamais le jour, sans doute par manque de temps, M. CELA ne l’écrira jamais! Et très franchement? C’est peut-être bien mieux ainsi, puisque comme dit dans le livre lui-même : «(…) car jamais les secondes parties des livres ne sont bonnes.»… Et je dois dire que je ne suis pas loin d'avoir la même opinion.. J'en ai déjà personnellement fait de nombreuses fois l'expérience, comme p. ex. avec le livre de Mme. LilY PRIOR, «La cucina seconda». (1).

Est-ce-que je vous conseille de lire ce livre? Oui, oui et oui, oui! Ce livre m’a définitivement réconcilié avec l’écriture de M. CELA, avec qui j’avais pourtant un très vieux «contentieux», depuis de nombreuse années (2). Et, si je pars du précepte que «seul les imbéciles ne changent pas d’avis», je dois dire que oui, j’ai changé d’avis sur M. Camilo José CELA! Et que oui, je comprends mieux maintenant pourquoi cet auteur à été distingué par l’Académie Suédoise en 1989…

Rappelons que l’œuvre de Camilo José CELA a été récompensée par le Prix Nobel de Littérature en 1989, le Prix Prince des Asturies en section Littérature en 1987, et le Prix Cervantès (la plus haute distinction de la littérature hispanique) en 1995.

(1). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/45442
(2). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/42959