Quand j'étais jeune de Rachilde

Quand j'étais jeune de Rachilde

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Alceste, le 14 juillet 2023 (Liège, Inscrit le 20 février 2015, 63 ans)
La note : 8 étoiles
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Un début dans la vie ... d'écrivain

Rachilde (1860 – 1953), écrivain reconnu et singulier pour son époque, a été l’épouse d'Alfred Vallette, directeur des éditions du Mercure de France. C’est d’ailleurs sous l’élégante couverture au caducée qu’elle publie ses souvenirs de jeunesse avec l’éloignement d’une soixantaine d’années déjà.

L’ouvrage se présente opportunément divisé en chapitres dont chacun développe un épisode marquant de sa jeunesse.
Celle-ci a été illuminée par quelques rencontres prestigieuses, et c’est toujours une joie pour le lecteur de voir surgir, non par une froide évocation d’historien, mais par la magie d’un témoignage vivant, les silhouettes de Victor Hugo, Sarah Bernhardt, Maurice Barrès ou Barbey d’Aurevilly. Ainsi, après avoir relaté en détail une rencontre avec un « pauvre hère, jeté du haut l’escalier par son logeur », Rachilde conclut : « C’était Paul Verlaine ». Il n’y a pas jusqu’au célèbre compositeur verviétois Henri Vieuxtemps qui ne soit évoqué.

S’il y a un fil conducteur dans ces premières années d’éveil et d’apprentissage, c’est peut-être la frontière mouvante entre les deux sexes et la difficulté - et la nécessité - de se situer, bref toute la question de « l’identité de genre » qui agite plusieurs de nos contemporain(e)s. Tout ancien qu’il soit, ce témoignage est apte à fournir quelques pièces au dossier.

En effet, la préoccupation première de la jeune Rachilde est de trouver un éditeur pour son premier roman. La démarche est évidemment singulière mais quel n’est pas son étonnement lorsqu’un éditeur, quoique favorable à la jeune fille, lui fait part de la visite d’une dame qui sous couvert d’anonymat, l’a discréditée à ses yeux, et qu’elle finit par comprendre que cette dame n’est autre que … sa propre mère.

Autre moment étonnant : dans le cadre de ses activités de journaliste, Rachilde est invitée à participer aux fameuses « grandes manœuvres » mais, par souci de discrétion, en uniforme de soldat… Son père, « grand louvetier » imbu de son rôle, n’hésite pas à demander à sa fille de surveiller un braconnier dont la jambe est cruellement entravée par un piège à loups…

Des débuts dans la vie peu ordinaires on le voit, propres à forger le caractère de celle qui signera ses ouvrages « Rachilde, homme de lettres. »

Extrait (à propos de Jules Barbey d’Aurevilly)
« Ses prétentions vestimentaires allaient de la cape d’andrinople au veston de velours frangé d’argent, et il se fardait, se teignait, mal, les cheveux, les sourcils, portant des bagues aussi fabuleuses que fausses, au moins sous le rapport de la chevalière ancienne certifiant des armoiries incontestables ;
- Mademoiselle, me déclara-t-il d’un ton à la fois solennel et ironique, je suis certain d’avoir eu pour vous, dans une vie antérieure, un sentiment que je ne peux pas vous prouver aujourd’hui, car je suis Chevalier de Malte.
Un peu interloquée par cette déclaration qui ne me paraissait pas de mise, au moins dans une première entrevue, je lui demandai simplement sa bénédiction, supposant qu’un Chevalier de Malte devait avoir fait des vœux de chasteté.

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