L'amour au jardin de Jean-Pierre Otte
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Sexualité végétale
Jean-Pierre Otte n’en est pas à son coup d’essai. Cet auteur belge est un spécialiste des amours végétales et des rapports entre fleurs ou faune. Le tout dans un langage chatoyant, sensuel, érotique même et surtout très poétique. De la poésie scientifique pourrait-on dire.
En quelques courts chapitres, Jean-Pierre Otte nous raconte l’iris, l’orchidée, la violette ou le muscari, s’extasie devant les galipettes des orvets ou la perversité de la mante. C’est rempli d’humour et d’admiration. L’auteur laisse paraître ses émotions devant l’ingéniosité de certaines espèces et les tours parfois affreux qu’elles cachent au fond de leur sac. Le monde végétal est perfectionné, nous le savions mais avec la touche poétique et sensuelle apportée par l’écrivain dans ce livre, cela prend tout de suite une autre dimension, d’autres couleurs.
L’érotisme végétal, tout un monde ! Ces fleurs prennent vie sur papier, on assiste à leurs ébats et les descriptions oniriques permettent de visualiser ces amours sauvages sans aucune difficulté.
Le chapitre intitulé "La stratégie de l’arum" (page 67), par exemple, est un régal de cruauté et de délicieuse perversité. Une fleur qui enferme les insectes au plus profond d’elle-même, les obligeant à lui faire l’amour, les tuant parfois dans un violent orgasme, les libérant une fois son plaisir assouvi.
L’auteur dresse quelques parallèles allusifs avec la nature humaine, compare fleurs et femme, perversité de l’une et manigances de l’autre. Beaucoup de symbolisme et d’entre les lignes tout au long de ces pages.
"Quand on est reine de quelque chose ou de quelque part, on a les caprices de son rang, la liberté de ses fièvres, et une gloire accordée à tous les remous imprévisibles du monde. En matière amoureuse, on s’attend à ce qu’elle se montre d’une passion sauvage et rebelle, d’une fougue secrète, inventive et indomptable, ayant recours aux philtres, aux drogues ou à d’autres artifices, si besoin est. On est un peu désappointé de découvrir l’euphorbe d’une sexualité assez conventionnelle malgré l’originalité qu’elle développe dans l’attrait." (page 75)
Les puristes reprocheront sans doute à cet ouvrage de ne pas respecter à la lettre les principes scientifiques et les règles établies pour l’accouplement chez les fleurs. Ce n’était pas, me semble-t-il, le but recherché par Jean-Pierre Otte qui joue ici avec les mots et la beauté des gestes de la nature, sans pour autant travestir la vérité.
Extraits:
A propos de l’autofécondation de l’orchidée :
"Quant à savoir pourquoi elle ne se résout pas naturellement et tout de suite à cette simple autofécondation, il faudrait parvenir à pénétrer les replis parfois tortueux de l’intelligence des fleurs. Cette superbe supercherie cache peut-être des imaginations féminines fort complexes, un dessein mystérieux, une perversité qui pèse ici entre l’attrait parfait et la frustration indispensable de l’amant." (page 26)
A propos des iris :
"L’architecture est d’une découpe extravagante. Elle semble un éclatement délicat, aérien, fragile. C’est un envol figé avec ses foulards, un temple éthéré aux entrées trop nombreuses pour ne pas être dérobées. Ou encore, un pavillon baroque aux pans relevés sans supports rigides et dont les couleurs, selon les espèces, sont bleu pâle, bleu violacé, blanches, tigrées, bleues à fond jaunâtre, ou encore plus richement parées de rouge ardoisé à veines bleu foncé." (page 51)
Les éditions
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L'amour au jardin [Texte imprimé] Jean-Pierre Otte préf. de Jacques Lacarrière
de Otte, Jean-Pierre
Phébus / D'aujourd'hui (Paris. 1988).
ISBN : 9782859403744 ; 15,30 € ; 10/05/1995 ; 151 p. ; Relié
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