Le Fil sans fin: Itinéraire spirituel pour la renaissance de l'Europe
de Paolo Rumiz

critiqué par Radetsky, le 18 août 2023
( - 81 ans)


La note:  étoiles
L'Europe loin des marchés
Nous sommes à Norcia (Nurcie) en 2017, après que le 30 octobre 2016 un tremblement de terre a ravagé cette région des Apennins. Dans la petite ville tout est par terre, sauf... une statue sur son piédestal : Saint Benoît, désignant un point de l'espace...

Paolo Rumiz est un grand voyageur, tout comme Claudio Magris et natif comme lui de Trieste, ville de l'ex-empire des Habsbourg, à la rencontre des mondes latin, slave, germanique.
Donc il va et ce n'est pas la première fois, entamer un de ces périples dont il a le secret, le long d'un fil (d'où le titre de l'ouvrage) qui franchira nombre d’étapes marquées par la règle de Saint Benoît, à savoir un cortège d'abbayes où l'harmonie des lieux genius locis tient aux hommes, à l'architecture, à la Parole et au silence. Je précise qu'il n'est pas spécialement croyant, je veux dire par là qu'il n'appartient pas à la caste des bigots, mais des chercheurs du Grand Quelqu’un.
Notre auteur se revendique d'abord Européen, persuadé qu'il est, que notre appartenance à une essence commune qui ne doit rien aux banquiers et technocrates ayant "pondu" l'EU au lendemain de la guerre, implique aussi un destin commun bâti en commun.
Je passe les exemples, démonstrations et argumentaires qu'il utilise (il y a des longueurs et des redites). Je suis certain que « nous autres Français » (comme l’écrivait Bernanos) pouvons nous y retrouver.

D’autant que Paolo Rumiz aborde aussi le thème du mélange et de la synthèse des peuples, et il n’y a pas en Europe de « pureté » quoi qu’aient voulu démontrer certains esprits malfaisants
C’est justement le fil sans fin de l’esprit bénédictin qui a servi à relier, unifier, composer une synthèse unique en son genre : l’Europe. On pourra se récrier : mais le non-croyant ? Les philosophies qui ont germé chez nous et ont contribué à forger nos cultures doivent autant à l’eschatologie chrétienne qu’aux génies grecs et latins...
Un chemin de croix 2 étoiles

Une quatrième de couverture prometteuse laissant augurer une réflexion sur la période moyenâgeuse où le clergé a réussi à s'opposer à la destruction de l'Europe.
Au final, c'est une litanie de référence religieuse, voire de prosélytisme où la religion chrétienne serait la seule issue pour sauver l'Europe de nos jours.
Ajouté à cela des descriptions à n'en plus finir dont on se demande la raison de la présence dans ce propos et tout est réuni pour un livre sans rapport avec le propos annoncé et d'un profond ennui.
Je n'ai pas réussi à supporter le sermon jusqu'au bout.
Cela est d'autant plus surprenant que l'auteur n'est pas réputé être religieux. Son propos est pourtant trempé dans une sorte de mysticisme et c'est probablement ce qui m'a le plus dérangé.

Mimi62 - Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans - 23 avril 2024


L'Europe des abbayes 8 étoiles

Journaliste du quotidien La Repubblica, Paolo Rumiz s’est fait connaître en tant qu’écrivain voyageur, arpentant infatigablement les routes et les chemins d’Italie et d’Europe. Ses récits de voyage, tous remarquablement écrits, témoignent de sa passion de la découverte et de sa curiosité toujours en éveil. Qu’il parte à la recherche du passage emprunté par Hannibal, qu’il descende le cours du Pô, qu’il emprunte la mythique Via Appia ou qu’il pousse jusqu’aux frontières de l’Europe, chaque fois Paolo Rumiz impressionne par la pertinence de son regard et la justesse de ses réflexions.
C’est le cas, à nouveau, dans Le Fil sans fin, ouvrage tout entier dédié à l’un des saints patrons de l’Europe, Benoît de Nursie. Ce moine, qui a fondé au Vie siècle l’ordre qui porte son nom, les Bénédictins, n’a certes pas usurpé son titre : n’est-ce pas lui qui a, d’une certaine manière, sauvé l’Europe, à l’heure où des hordes de barbares envahissaient ce qui était l’Empire romain ? N’est-ce pas lui qui, représenté sous forme de statue, à Nursie précisément, dans une région d’Italie frappée par le séisme d’août 2016, lève le bras « comme pour indiquer quelque chose entre le ciel et la terre ».
Et, comme les Bénédictins essaimèrent rapidement dans de nombreux pays d’Europe, formant un réseau de solidarité ne tenant pas compte des frontières, quoi de mieux, pour raviver la fragile flamme de la nécessaire construction européenne, que d’aller d’abbaye en abbaye, témoignant ainsi que la vie spirituelle tout comme la sobriété valent mieux que le consumérisme et le matérialisme dont se repaissent tant de nos contemporains.
Tirant une sorte de fil d’un lieu à un autre, Paolo Rumiz fit donc son tour d’Europe des abbayes bénédictines, depuis l’Italie (Praglia, en Vénétie, Muri-Gries et Marienberg, dans le Tyrol du Sud) jusqu’à la Hongrie (Pannonhalma) en passant par l’Allemagne (Niederalteich et Altötting), la Suisse (Saint-Gall), la France (Citeaux et Saint-Wandrille) et la Belgique (Orval). Partout, sans dédaigner les bières et autres spécialités monastiques, Rumiz observe et raconte avec justesse et profondeur sa quête de foi.
Foi en Dieu ? Pas forcément, pour ce qui concerne Rumiz. Mais, à coup sûr, foi en une Europe capable de dépasser tous les particularismes locaux pour se retrouver et s’unir autour d’une même règle, comme le font les moines. Lucide, Paolo Rumiz voir ressurgir les vieux démons du nationalisme qui, dans le passé, ont occasionné tant de conflits et de guerres. « Jamais au cours de l’histoire, écrit-il, nous n’avons eu autant de problèmes en commun, et pourtant voilà que l’Europe, au lieu de se souder, se chamaille, élève des barbelés, se divise, remet en doute la démocratie. Elle ignore ses propres racines. Elle oublie qu’elle est la terre des règles. »

Poet75 - Paris - 68 ans - 6 avril 2024