Le Nez sur la vitre de Abdelkader Djemaï

Le Nez sur la vitre de Abdelkader Djemaï

Catégorie(s) : Littérature => Arabe

Critiqué par Léonce_laplanche, le 21 novembre 2004 (Périgueux, Inscrit le 22 octobre 2004, 88 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 107ème position).
Visites : 4 935  (depuis Novembre 2007)

Dommage !

Voici un petit opuscule dont le sujet est une histoire simple et dramatique. Le texte y est rédigé à la troisième personne, et il est difficile de savoir s'il existe un lien entre les personnages et l'auteur, ou s'il s'agit d'une pure fiction.
Un père d'origine algérienne quitte en autocar le sud de la France où il réside, pour s'enquérir de son grand fils_vivant 600 km plus au nord_ car ce dernier ne répond plus à ses lettres.
Avec précision, mais très rapidement, on fait connaissance avec la famille toute entière.
La vitre est à la fois celle de l'autocar, et celle qui est apparue progressivement entre le père et le fils, rendant inexistants les vrais contacts humains.
Un bon petit livre, vite lu, mais qui m'a laissé sur ma faim et sur une impression de travail inachevé, comme si l'auteur avait renoncé à approfondir et nuancer son sujet.

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Le voyage du père

7 étoiles

Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 29 août 2005

Le voyage en autocar d’un père qui part rejoindre son fils dont il ne reçoit plus de nouvelles fait écho à un autre voyage que cet homme fit avec son propre père quand il était enfant, pendant la guerre d’Algérie. D’origine nord-africaine, le père n’entretenait pas de relations démonstratives avec son fils ; au moment de le rejoindre, il réalise qu’il n’a pas vécu avec son aîné une expérience semblable à celle de ce lointain voyage avec son père: il part rejoindre son fils, mais seul.
Dans l’autocar, son regard se porte sur tout ce qui dénote par rapport à sa culture d’origine, les liens marqués entre époux ou entre une mère et son fils, l’apparence des femmes, les démonstrations de sentiments, la permanence de ce qu’on pourrait appeler la signalisation publicitaire dans le quotidien des occidentaux. Il est analphabète, il reporte donc sur le regard sa difficulté à traduire en mots ses sensations. Si, comme Fée Carabine, le style m’est aussi apparu en début de lecture approximatif, je le qualifierais plutôt sur la longueur d’incertain, et, qu’il ait été voulu ou non, il colle parfaitement au personnage de cet homme éprouvant des difficultés avec le langage et qui doit s’appliquer pour rendre compte de ce qu’il voit.

L’épilogue est certes brutal, qui pourrait donner l’impression d’un inachèvement, mais non, il me semble : l’important réside dans cet entremêlement, le temps d'un voyage, de réminiscences et d’observations prises sur le vif.
Ce délicat tissage est le gage de la réussite de ce livre touchant et pudique ainsi que l’affirmation d’un auteur (qui compte déjà une dizaine d’ouvrages) à ne plus perdre de vue.

Un avis mitigé

7 étoiles

Critique de Fee carabine (, Inscrite le 5 juin 2004, 50 ans) - 29 décembre 2004

Un avis mitigé, oui... Je ne peux en effet souscrire ni à la sévérité de Léonce_Laplanche, ni à l'enthousiasme de Sahkti.

Ce court roman d'Abdelkader Djemaï m'a plus d'une fois agacée par les nombreuses maladresses qui l'entachent: longueurs inutiles ou au contraire imprécisions syntaxiques, même si le contexte aidant, ces dernières ne prêtent pas vraiment à confusion (du moins, je suppose que dans la cour d'un immeuble modeste d'une grande ville algérienne, ce n'est que la poule qu'on égorge lorsque je lis que "De temps à autre s'élevaient l'éclat d'une dispute, les pleurs d'un nouveau-né, les cris d'une maman ou d'une poule qu'on égorgeait."). Des mots maladroits, qui pourraient être ceux de ce père, illettré, parti à la recherche de son fils, mais alors c'est le choix d'un récit à la troisième personne qui paraît étrange. Je n'ai pourtant pas eu l'impression d'un travail inachevé ou bâclé, plutôt celui d'un choix mûrement réfléchi mais malencontreux de l'auteur quant à la construction de son roman.

Mais en dépit de sa maladresse formelle un peu agaçante, ce petit livre est profondément émouvant, et sa conclusion véritablement poignante. On s'attache à cet homme, prisonnier derrière la vitre qui le sépare de son fils, on souffre avec lui de cette séparation et de l'incompréhension qui s'est installée entre lui et ce fils qu'il aime sans pouvoir - sans savoir - le lui dire. Alors oui, je vous conseille de lire ce livre, maladroit certes, mais aussi douloureux, émouvant, et qui sans doute peut nous donner à tous matière à réflexions.

La source du mal

9 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 22 novembre 2004

Quatre-vingt pages à déguster, une lecture débordant de tendresse et d'amour.
L'histoire d'un homme, la cinquantaine, qui envoie des lettres à son fils, mais celui-ci ne répond plus alors le père décide de partir voir son fils. Il prend l’autocar, le voyage commence, le nez collé à la vitre. Au fur et à mesure de ce trajet, le père s’interroge sur les silences de son fils, il en souffre, les souvenirs se mettent à jaillir hors de sa mémoire, il pense à ses propres parents, au conflit des générations, il se demande si il a donné tout ce qu’il fallait à son fils, si il a été un bon père. Les reproches formulés jadis à l’égard de ses parents lui sautent aujourd’hui au visage.
Ce voyage, c’est non seulement aller vers son fils mais c’est aussi un retour vers l’Algérie de la mémoire, vers le pays de son enfance dont il se souvient avec violence en repensant à ses propres erreurs d’adolescent. Faire le point sur l’éducation qu’il a donnée à son fils passe par un retour aux sources, par sa propre enfance et ce flash back ne se fait pas sans mal.
L’issue est dramatique et cruelle, la vérité si douloureuse achève le narrateur. Moi également. L’estomac se noue. C’est qu’au fil des pages, peu nombreuses soient-elles, je me suis attachée à cet homme et à son passé, j’ai ressenti ses doutes sur l’éducation donnée à un enfant, sur ses interrogations légitimes de parent. Puis il y a cette réflexion sur le fossé des générations, sur le temps et l’espace qui séparent deux êtres, un homme et son fils. Et si finalement, c’était d’abord en nous que ce fossé se creusait ? En nous par rapport à nous-mêmes ? Les autres changent-ils sans nous ? Non, bien sûr, mais nous ne le voyons peut-être pas et ça ajoute à la souffrance de l’incompréhension et du mal-être.
Lisez ce livre, il est magnifique de force et de tendresse. Il fait mal, certes, mais apporte beaucoup, notamment une certaine sagesse.

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