Les Perses
de Eschyle

critiqué par Jules, le 22 novembre 2004
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Ne pas se laisser prendre dans les filets d'Até
Ici, il n’est pas nécessaire de faire des mystères quant à l’histoire ! Elle est tout ce qu’il y a de plus connue et le principal intérêt réside dans les idées que l’auteur veut faire passer.

La première guerre médique a vu les troupes de Darios défaites par les Grecs de Miltiade à Marathon en 490 av. J.C. Nous sommes dix ans plus tard, Darios est mort et son fils Xerxès lui a succédé. Il vient de réunir une armée gigantesque et plus de mille navires pour envahir et vaincre la Grèce. Nous sommes donc en 480 av. J.C. et c’est l’Athénien Thémistocle qui commande les troupes grecques.

Les deux flottes se rencontrent à Salamine et la bataille a pour résultat l’anéantissement des troupes perses malgré l’énorme avantage en effectifs qui était le leur. C’est un messager qui vient apporter la nouvelle à la reine, mère de Xerxès qui a cependant survécu au drame.

Le Coryphée est uniquement composé de vieillards qui sont les conseillers du roi.

« - La Reine : Et quel chef sert de tête et de maître à l’armée (grecque ?) ? »
- Le Coryphée : Ils ne sont esclaves ni sujets de personne. »

Or, juste avant la bataille, Xerxès menace de mort ceux de ses hommes qui laisseraient survivre un Grec. Le ton et les motivations sont tout autres en face ! Chez les Grecs on rappelle qu’ils combattent pour leurs terres, leur maison, leur femme, leurs enfants, la tombe de leurs aïeux… Un monde de différence entre les deux !

Ah, les humains !...

« La Reine : Amis, quiconque a connu le malheur, sait que, du jour où a passé sur eux une vague de maux, les hommes vont sans cesse s’effrayant de tout, tandis qu’au milieu d’un destin prospère ils croient que le destin qui leur porte bonheur soufflera toujours. »

Napoléon et Hitler auraient dû davantage approfondir Eschyle avant que d’envahir la Russie. (Par contre, surtout pour le second, heureusement qu’il ne l’a pas fait ! »

Le Coryphée appelle l’ombre du Roi Darios afin d’en recevoir des conseils quant à savoir ce qu’il convient de faire. Celui-ci est catégorique : les Perses doivent définitivement abandonner l’idée d’envahir la Grèce. En envahissant leurs terres et en détruisant leurs temples ils font que les dieux eux-mêmes combattent avec eux. La mer est aux Grecs et vouloir changer cela revient, pour les Perses, à dépasser toutes mesures. Et cela, les dieux ne le pardonnent jamais !

« - Darios : …pour prix de leur démesure et de leur orgueil sacrilège… des monceaux de morts, en un muet langage, diront aux regards des hommes que nul mortel ne doit nourrir de pensées au-dessus de sa condition mortelle. La démesure, en mûrissant, produit l’épi de l’erreur, et la moisson qu’on en lève n’est faite que de larmes. »
Et il ajoute : « Zeus est le vengeur désigné des pensées trop superbes et s’en fait rendre de terribles comptes. »

Son fils, dit-il, manque de sagesse et il demande aux vieillards de le faire cesser d’offenser les dieux par « son insolente audace. »

Avant que de retourner aux enfers il leur donne un dernier conseil :
« … et vous, vieillards, adieu ! Même au milieu des maux, accordez à vos âmes la joie que chaque jour vous offre : chez les morts, la richesse ne sert plus à rien. »

Je ne peux m’empêcher de citer encore ces paroles de la Reine :

« … le plus grand amas de trésors, si nul homme ne le défend, n’obtient pas un respect égal à ce qu’il vaut… »

Et nos libertés, ne sont-elles pas un trésor ?… Mais la liberté et la démocratie cela devrait se défendre ! Et j’entends encore les mots de Soljenitsyne, de son exil américain, et de Bukosky, de son exil suisse, nous dire que nos peuples repus ne sont plus dignes de vivre leur chance… Nous voulons implanter la démocratie partout où elle ne règne pas et quand nous obtenons plus de 50% des votants à une élection nous sautons de joie et parlons d’une victoire !…
D'un revirement militaire 8 étoiles

La guerre des cités grecques contre l'armée perse crée un tournant dans l'histoire antique, qu'Eschyle a décidé d'immortaliser. Si les Perses étaient censés être invincibles par leur nombre, l'unité a fait la force face à eux. La morale de cette histoire est que rien n'est inéluctable et que l'arbitraire doit être combattu. Le ton est, comme toujours, chez l'auteur, grandiloquent, fatalement un tantinet pompeux, mais n'en restitue que mieux les enjeux aussi officiels que sanglants et porteurs de lourdes significations de ce conflit.
Cela reste un grand moment de littérature.

Veneziano - Paris - 47 ans - 26 février 2017