Un homme obscur
de Marguerite Yourcenar

critiqué par Cameleona, le 18 mars 2001
(Bruxelles - - ans)


La note:  étoiles
Destinées
Ceux qui ont eu le plaisir de lire " L'Oeuvre au noir
" reconnaîtront une ébauche de Zénon sous les traits du héros d’" Un homme obscur ".
Une ébauche seulement : jeune, intelligent mais peu cultivé, esprit curieux et proche de la nature, Nathana‘l vit également dans les Pays-Bas du XVIIe siècle, mais son avenir sera bien différent.
S’étant enfui de chez lui à la suite d'un malentendu, il devient marin, échoue sur une île, y refait sa vie par la force des choses puis repart vers sa terre natale. Chaque fois, une femme différente l’accompagne, qu'il n’a pas plus choisie que les lieux où il vit.
Dans le style superbe auquel elle nous a habitués, Marguerite Yourcenar conte les pérégrinations de cet " homme obscur " qui semble vivre tous les événements sans le vouloir, presque malgré lui. Il sera ballotté, malmené par vagues de la vie, jusqu’à ce qu’une lame plus forte que les autres finisse par l'emporter…
Ce qui distinguait Nathana‘l était son incapacité à diriger le cours de son existence : dans " Une belle matinée ", son fils Lazare semble lui aussi se laisser porter par les vagues du destin, mais de façon intelligente, afin qu'elles le mènent là où il le désire. Peut-être a-t-il tout simplement plus de chance que son père, mais il semble capable dès son plus jeune âge de mettre en scène sa propre vie : en une quarantaine de pages, le lecteur pressent déjà que ce petit bonhomme aura une existence longue et riche d'expériences. D’ailleurs, ce nom de Lazare n'est-il pas, plus qu'aucun autre, un synonyme d’espoir dans la civilisation judéo-chrétienne ?
A la réflexion, les titres des deux nouvelles laissaient déjà augurer l’obscurité de la première et la lumière de la seconde.
Un très beau livre ! 8 étoiles

De son style toujours superbe, Marguerite Yourcenar nous raconte ici deux destinées bien différentes. Elle aimait parcourir ces Pays-Bas, à une époque lointaine, comme elle aimait aussi les lieux bien plus emplis de soleil. Le cours du temps y joue un grand rôle et donne une certaine finesse aux choses... " Cette fortune déjà vieille donnait à l'ancien bourgmestre les prérogatives et les loisirs d'un homme né riche; les pertes en vies humaines, les exactions et les astuces, inséparables de l'acquisition d'une certaine opulence, dataient d'avant son temps et d'autres que lui en étaient responsables; son luxe et celui de sa fille en recevaient une sorte de douce patine."

Jules - Bruxelles - 80 ans - 13 février 2002