Le gardien de Téhéran
de Stéphanie Pérez

critiqué par CHALOT, le 15 octobre 2023
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
la culture contre l'obscurantisme
Le gardien de Téhéran
roman de Stéphanie Perez
Editions Plon
234 pages
avril 2023

La culture contre l'obscurantisme


En 1979, une dictature sanguinaire et obscurantiste a remplacé en Iran une autre dictature , celle d'une monarchie fastueuse, pro-occidentale.
L'auteure nous raconte ces heures sombres, cette arnaque sanguinaire qui a fait se nouer une alliance contre-nature entre des révolutionnaires et des forces ultra-réactionnaires intégristes.
Elle a choisi d'écrire un roman où se mêlent l'histoire vraie et la fiction.
Ce livre est un petit bijou qui réussit à nous faire comprendre ce drame politique, social et humain qui a plongé ce grand pays chargé d'histoire dans un « moyen-âge » où règne une inquisition islamiste.
Cyrus Farzadi qui vit à Téhéran est engagé comme chauffeur dans le musée d'Art moderne .
Son travail consiste à transporter les œuvres d'art achetées .
L'histoire commence en 1977 dans un Iran faste, américanisé, où règne sans partage le Shah tout puissant qui tient le pays d'une main de fer.
Ce despote dépense sans compter et dirige un pays d'une dualité extrême : d'un côté, il y a les fêtes et dépenses somptuaires et de l'autre une pauvreté qui s'étend.
Cyrus n'y connaît rien en art, il cherche et obtient un travail.
Très vite, il s'attache aux œuvres qu'il découvre et se montre indispensable à la direction du musée.
Ce musée possède des richesses immenses en toiles de renom, des Picasso, des Monet, des Gauguin... Beaucoup de ces tableaux ont été acquis à la demande de l'impératrice Farah Diba qui veille personnellement à ces bijoux de la culture.
Cyrus n'est plus seulement le chauffeur, il devient peu à peu le conservateur de ce temple de la culture qu'il surveille et protège.
La peur l'habite très vite avec cette montée de cette « révolution » qu'il ne comprend pas. Que vont devenir ces trésors de l'humanité lorsque les mollahs vont prendre le pouvoir ?
«  Cette révolution n'est pas la sienne. Cette marée noire emporte d'Iran dans des flots trop incertains. »
Tout va être balayé dans un flot de sang : la musique, la peinture abstraite et moderne, le cinéma, la sculpture.
Il est minuit dans ce pays.
La résistance feutrée mais réelle s'organise. Il ne s'agit pas de combattre le régime tout puissant durant ces années noires mais de « se sentir vivre encore, même si c'est enfermé derrière ces murs de silence. »
Cyrus résiste à sa manière en protégeant les tableaux qui sont voués à la destruction, notamment ceux qui « choquent » le puritanisme ultra réactionnaire des gardiens de la « révolution.

Ce livre qui se lit d'une seule traite est d'une actualité brûlante.

Jean-François Chalot