Qu'est-il arrivé à Jean Bessière ?

La question était pourtant formulée clairement, et la réponse, très attendue, pouvait l’être tout autant. Au lieu de quoi l’auteur nous impose un sabir qu’il serait injurieux pour la Faculté de qualifier d’universitaire. Sonnés, hébétés, nous cherchons le secours de quelque exemple puisé dans l’actualité pour donner consistance à cette théorie qui se perd dans la nue. Hélas, les quelques noms d’auteurs, les quelques titres de romans qui apparaissent sont glosés avec autant d’obscurité : " Ce jeu sur le temps et sur la littérature entraîne que, chacun à sa manière, les deux premiers romans ( Trois jours chez ma mère , de François Weyergans, et La fuite, de Jean-Philippe Toussaint) fassent lire que quelque chose se passe pour nous, passe par nous seulement dans la mesure où, d’une part, il y a un futur qui reste attaché à un passé, qui est à la fois le présent et l’antécédent de ce présent, et dans la mesure où, d’autre part, exposer ce passage ferait le travail de la littérature et de l’imagination créatrice. »

Impossible de saisir une prise de position quelconque sur ce thème pourtant crucial pour quiconque constate une certaine dégradation de l’activité littéraire. La suite du texte ne nous éclaire pas davantage : « À cause de son identification à la littérature puissance, la littérature est vue non pas seulement selon son histoire, mais comme une manière de mémoire disciplinaire qui procède horizontalement en un mouvement synchronique d’un problème littéraire à un autre plutôt que verticalement, en confrontation diachronique avec des formes propres à un genre, à un type de littérature. »

Et quand, après trente-trois pages d’écriture serrée, on entame le chapitre intitulé « L’obsession du moderne et le refus de l’actualité » par ces lignes : « Parce qu’elle est ce défaut de pertinence réciproque de la littérature et de l’écrivain, de la littérature et de ses propres référents, la désymbolisation que portent les œuvres contemporaines a affaire avec le rapport entre l’historique et le transhistorique – celui que figurerait le rappel des œuvres du passé -, entre l’historicité et l’universel - celui que figurerait la littérature perçue dans sa continuité et dans sa grandeur, entre le singulier et le général – celui que figurerait la littérature perçue dans sin jeu de totalisation des œuvres concrètes. », la coupe est pleine, et l’on se dit que ce qui pouvait apparaître comme une mise en place plus abstraite ne déboucherait pas davantage sur des idées plus solides. C’est là que le livre tombe définitivement des mains, conformément aux droits imprescriptibles du lecteur tels que les a énoncés Daniel Pennac.

En l’occurrence, il ne s’agit pas tant d’un droit que d’une nécessité face à un auteur qui n’est spécialiste de la littérature que de nom.

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  Qu'est-il arrivé aux écrivains français ?: D'Alain Robbe-Grillet à Jonathan Littell

  de Bessière, Jean
  Labor
  ISBN : 9782804024635 ; 80,00 € ; 04/01/2007 ; 89 p. ; Broché

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