La transparence des voiles
de Frederika Abbate

critiqué par JPGP, le 30 décembre 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Frederika Abbate : poupées et personnages du désir
Gloria Hasch fabrique des poupées. Destinées à des adultes, elles ne sont pas pour autant à usage sexuel. Bon nombre de collectionneurs les prennent souvent à tort pour des êtres vivants. A l'image de ses poupées, leur créatrice n'est ni vivante ni morte. Elle n'est personne. Jusqu'à rencontre en un film d'un personnage qui la bouleverse. Séduisant, mystérieux, il vend à des jeunes gens des kits de suicide. Elle rêve de faire sa connaissance et un jour elle rencontre homme dont elle ne sait rien, et qui lui aussi veut être personne. Il éveille en elle le désir charnel et l'envie d'aimer. "L'amour, c'est devenir poupée de chair sexuelle." Et ce livre devient l'histoire d'une passion, du corps, du féminin et de la chair près de la mer.

Contrairement à ce que les autres s’imaginent en croyant que l’eau se trouve dans les mers elle leur donne naissance. Ce changement de perspective se charge d’importance et devient un modèle de pensée applicable à tout. La première poupée à avoir été créée aurait été une sorte de fétiche, attribut rituel destiné au culte de la première divinité. Phallique.

Et si ce n’est pas la mer qui donne l’eau mais l’inverse, la poupée ne donnerait-rlle pas la divinité? Dès lors le sacré se met à exister là où n’est nulle transcendance. Dès lors "Les limbes sont dans ma vulve. Et la vulve est un trou. Si ma vulve est un trou elle fonctionne comme le regard." écrit la narratrice-héroïne." et il faut qu’au-dehors quelque chose de pareil à ces phénomènes se produise. Pour preuve ajoute-t-elle "On dit que les menstrues sont liées à la lune, aux marées."

Il est Impossible de taire l'émotion éprouvée à la découverte du texte de Frederika Abbate. S’y engouffre une forme de vertige organique. Tout ce qu’elle propose est expérimental mais existentiel selon une figuration très particulière. Exit les interdits si bien que l'auteur comme ses personnages ressuscitent toujours selon divers cycles sur le thème récurrent de la nudité jusqu’au sein d’une ascèse « tauromachique » où mise à mort et mise en vie, apparition et disparition font partie de ce livre.

Jean-Paul Gavard-Perret