Inestimable
de Zygmunt Miłoszewski

critiqué par Tistou, le 1 janvier 2024
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Foisonnant, d’une grande actualité
Celui qui entame Inestimable fort, comme moi, des antécédents polars du même auteur avec la trilogie du Procureur Teodore Szacki (par ailleurs très informative sur la société polonaise actuelle) est dérouté, que dis-je désarçonné tant le propos est différent dans ce roman. Oui, roman et non plus polar, encore que …
On est plutôt dans style Antonin Varenne, j’entends le style de narration. D’ailleurs Antonin Varenne oscille lui aussi entre purs polars et romans faux polars. Et comme Zygmunt Miloszewski ses histoires sont toujours foisonnantes et avec de multiples ramifications.
Donc désarçonné je le fus à l’entame de Inestimable. Mais au fil de la lecture on ne peut qu’être ébloui par la maestria de l’auteur qui vous trimballe de partout, aussi bien sur le plan géographique qu’au niveau des idées et des concepts.
Ecrit pendant la période maudite de Covid où chacun était confiné chez soi et où planait l’ombre menaçante d’une pandémie, Inestimable s’en ressent dans les idées exposées, très contemporaines, pire ; actuelles. L’auteur s’en explique d’ailleurs à la fin de l’ouvrage :

»J’ai commencé à écrire ce livre enfermé sur un bateau, au milieu des tempêtes de l’Atlantique, je l’ai fini confiné à la maison, quand la pandémie m’a privé des possibilités de voyage. Il se peut que grâce à ces emprisonnements j’aie terminé plus vite, mais les séjours en France m’ont manqué, les festivals, les rencontres en librairie à l’autre bout du monde, les conversations avec mes lecteurs … »

On comprend que notre auteur polonais a des affinités avec la France, et quelques réserves vis-à-vis de la Pologne et de l’âme polonaise (il s’en exprime beaucoup notamment dans la trilogie).
De France il est question dans l’ouvrage. Mais ça commence en Pologne puis un gros morceau de Sibérie orientale, l’île de Sakhaline, et on finira quelque part dans le Golfe de Guinée.
Zofia Lorentz (déjà apparue dans un roman précédent « Inavouable », non lu par moi à cette heure) est une spécialiste de l’art reconnue, une sommité en Pologne, même si elle vient de se faire licencier du Musée National pour des raisons … bassement politiques. Elle est très vite approchée par une autre sommité locale, mais dans le domaine scientifique cette fois, Bogdan Smuga, pour une collaboration des plus intrigantes. Qui va donc la mener sur l’île de Sakhaline à la recherche de vestiges culturels d’une ethnie disparue. Mais Zofia va très vite comprendre que l’aspect culturel n’est pas le moteur de cette entreprise.
On a du mal à imaginer dans le premier quart de ce long roman où tout ceci va nous emmener. C’est d’autant plus déstabilisant pour le lecteur qui connaissait Miloszewski pour ses polars mais on est bien payé en retour par les trois quarts restants, passionnants et plein d’idées sur l’actualité de notre monde – et notamment la pandémie …
Oui, définitivement je le pense, Zygmunt Miloszewski et Antonin Varenne même combat !