Du même bois
de Marion Fayolle

critiqué par CHALOT, le 21 mars 2024
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
une fresque sociale paysanne
Du même bois

Nous sommes loin des grandes fermes de la Beauce ou de la Brie, des exploitations quasi industrielles. Nous plongeons dans ce que certains appellent la France profonde où des paysans perpétuent la tradition agricole de leurs pères....pour combien de temps encore ?
Le lecteur découvre une ferme traditionnelle, vous savez ces grandes bâtisses longues :
Le livre commence par un chapitre qui donne le la et nous invite à partager la vie de cette famille pour mieux la connaître :
« La bâtisse est tout en longueur, une habitation d'un côté, une de l'autre, et au milieu une étable. Le côté gauche pour les jeunes qui reprennent la ferme, le droit pour les vieux. »
Les vieux n'iront pas finir leurs vieux jours dans un mouroir, baptisé Ehpad. Ils sont nés ici, ils y ont grandi et ils y termineront leurs jours, bien entourés.
Leurs enfants qui vivent à gauche viennent tous les jours voir comment cela se passe et apportent aux aïeux de la nourriture et de l'affection.
Comment ne pas être nostalgique ?
La vie décrite avec tendresse, humour parfois est difficile . Il y a l'oncle alcoolique, le père mort jeune, la mère qui travaille dur, le pépé qui continue lui aussi jusqu'à ce qu'il ne puisse plus.
L'oncle alcoolique arrive à dessaouler car on ne le laisse pas isolé.
Les « petitous », les enfants sont un peu avec leurs ascendants, les vivants et les disparus. Ils apprennent la vie ainsi en voyant mémé dépecer un lapin et offrir au petit une patte couverte de poils blancs.
Cela me rappelle les gestes que faisait ma grand-mère quand elle tuait un lapin devant moi, scandalisant ma mère, sa belle-fille.
Tout était naturel.
L'histoire, la même, se reproduit d'une génération à l'autre pour le plaisir du lecteur.
La poésie de cette histoire est parfois brutale mais aussi tendre quand le père, mort, peu aimé par sa belle-famille a demandé de finir en cendres dans un bois proche pour ne pas côtoyer dans la tombe ceux qui ne l'ont pas aimé.
Son petit-fils qui est né bien après le décès de ce grand-père vient régulièrement visiter le lieu où cet homme trop tôt disparu repose.
Il y a aussi une fin, celle d'une ferme vendue parce que les enfants ont préféré partir en ville pour fuir une vie qui devient de plus en plus rude pour ces paysans qui n'ont rien d'autre que de la terre, des muscles et des dettes, ce que sous-entend l'auteure !

Jean-François Chalot
La transmission 8 étoiles

Créatrice de bande-dessinées primées, avec ce roman, la migration de médium s’est faite avec beaucoup de succès. Les phrases courtes et précises génèrent une prose visuelle un peu brute tout-à-fait charmante et agréable à lire, qui soutient parfaitement la rudesse des descriptions du monde rural.

Afin de donner une envergure sociale au texte, une distance est imposée en ne donnant aucun prénom aux personnages. Il y a la gamine, mémé, pépé, le beau-frère, etc. Malgré tout, les émotions passent. Un roman court qui nous amène à penser à l’humain et au progrès, mais avant tout un bel hommage aux agriculteurs.

(Prix Marcel Pagnol)

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 26 décembre 2024