L'arbre le temps
de Roger Giroux

critiqué par JPGP, le 29 mars 2024
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Après selon Roger Giroud
Partant d’un point aveugle : « J’étais l’objet d’une question qui ne m’appartenait pas », le « je » de Giroux tente de venir à bout de la cécité dans ce livre majeur enfin réédité. Par son constat de pluralité l’auteur ose parler les temps et les lieux par le recours à une forme de fragments en prose, poèmes brefs au vocabulaire et aux présences minimalistes. L’ensemble arrache au déroulement temporel un état impersonnel où le « je » devient un autre. Et lorsque le texte traite ce qui semble anodin, les éléments insignifiants prennent une dimension loin hors d’effet lyrique. Et ce sera peut-être le seul miracle descendu du ciel qui ignore les dieux.

Il faut selon Giroux vivre le jour comme tout le reste : sans vérité. Mais par l’écriture, le réel tente de résister au milieu de l'air abasourdi des songes. Ce travail de transbordement permet de comprendre que rationalité et perception deviennent des voiles qu'il faut déchirer afin d'atteindre les choses (ou le néant) qui se trouvent derrière. Dans son livre majeur, Giroux devint un "homme indélébile" et poreux dont il faut souligner la rigueur créatrice. Et ce, en dépit du peu qu’il garde à son service : « Je n’ai d’autre logis que cette phrase sans contexte, ronde à demi. Toute parole est consumée d’un parfum dérisoire. / Je n’ai d’autre logis que cet absent visage ». Mais, en faisant résonner bien des chants de bouches mortes le poète leur redonne vie par delà leurs passifs.

Jean-Paul Gavard-Perret