La chambre des diablesses
de Isabelle Duquesnoy

critiqué par Septularisen, le 11 avril 2024
( - - ans)


La note:  étoiles
UNE EMPOISONNEUSE À LA COUR DU ROI SOLEIL!
Au début de l’histoire, nous sommes en 1680. Pour être plus exact, nous sommes le 22 février 1680 à Paris et il est cinq heures du matin. Il fait un froid de canard, pourtant, le peuple est déjà debout. La foule s’est déplacée en masse, et piaffe d'impatience, pour assister à une… Exécution publique! En effet, Place de Grève, devant l’Hôtel de Ville, va être exécutée sur le bûcher, sur ordre de Sa Majesté le roi, Catherine «La Voisin» DESHAYES-MONVOISIN (1640 – 1680), surnommée : «L’empoisonneuse»!

Mais qu’est ce qui a pu conduire cette femme faisant profession de Sage-femme, de quarante ans, au bûcher? Et bien, «L’affaire des poisons»! En effet, si La Voisin était une femme issue d’un milieu très pauvre, elle devint très vite très riche et très célèbre, surtout connue pour ses philtres d'amour, ses élixirs, mais aussi comme chiromancienne, devineresse et avorteuse. Elle même alors une vie indépendante, libre et débridée... N'hésitant pas à entretenir son mari et ses nombreux amants, dont de nombreux membres du clergé de l'époque, qu'elle apprécie tout particulièrement pour leurs discrétion!

Malheureusement pour elle, après s'être fait un nom auprès de la noblesse, et notamment à la cour, très vite sa clientèle ne se contente plus de ses philtres, potions, remèdes aux plantes et autres poudres… On lui réclame de plus en plus souvent des fioles destinées à empoisonner qui un mari encombrant, qui un amant volage... Dans sa folie des grandeurs et sa fuite en avant, plus rien ne l’arrête et elle se livre même à des messes noires, impliquant le sacrifice d’un enfant… Mais, pire que tout, elle se compromet dans une tentative d’empoissonnement de Louis XIV!..

Saluons tout d’abord le talent exceptionnel de Mme. Isabelle DUQUESNOY (*1960), qui a la très bonne idée de nous restituer toute l’histoire, non pas par les yeux de la victime, mais par les confessions écrites de sa fille Marie-Marguerite MONVOISIN (1658 - ?). Celle-ci, se retrouvant également accusée de pratiquer la sorcellerie, n'a d'autres choix, - afin d'essayer de sauver sa tête -, que de se livrer à une confession écrite auprès de M. Gabriel Nicolas de La REYNIE (1625 – 1709), lieutenant-général de police de Paris, de tous les faits et agissements de sa défunte mère, dont elle a pu être témoin, ou avoir eu connaissance.
Ce sont donc les mémoires de Marie-Marguerite, - mêlée aux billets qu'elle écrit à M. de La REYNIE pour lui raconter (et souvent se plaindre d’ailleurs…), les dures conditions d’emprisonnement qui lui sont imposées, alors qu’elle se considère innocente de tout crime -, que Mme. DUQUESNOY nous donne à lire.

Ce sont donc des personnages, - souvent saisissants de vérité (surtout La Voisin d’ailleurs…) -, et toujours très bien décrits que cela soit physiquement que psychologiquement que l'on suit dans leur vie de tous les jours. Vie qu,i bien sûr, ne ressemble absolument pas à la vôtre ou a la... Mienne! Tous bénéficient d'une bonne exposition, des plus modestes (servantes, cochers…), aux membres du clergé, en passant par ceux qui, comme Mme. De MONTESPAN (1640 – 1707), gravitent à la cour du Roi Soleil! Bien entendu les personnages de Catherine et de Marie-Marguerite étant les deux héroïnes de l'histoire, ce sont elles que l'on retrouvera et suivra le plus souvent.
Il faut aussi dire que c’est vraiment très beau, très visuel, on s’y croirait, notamment quand l’autrice nous décrit les paysages de la campagne française de l’époque ou la ville de Paris. Je vous jure on a l'impression de sentir les odeurs! Quel talent!.. Rien à redire là dessus, c'est vraiment un livre magnifique...

Que dire de plus? C’est peut-être (peut-être, eihn!..), un poil moins bien (mais alors vraiment un poil, eihn!..), que les deux ouvrages précédents que j’ai lus de la même autrice, à savoir «L’embaumeur» (1) et «La Pâqueline» (2)… Sans doute est-ce aussi de ma faute, en effet, après ces deux chef-d’ œuvres, j'avais des attentes! Et, comme tous le monde le sait, avoir des attentes est le pire ennemi d'avoir du plaisir! Mais, Mme. Isabelle DUQUESNOY, m’a tellement habitué à des lectures magnifiques, que j’y ai pris goût! Bon, rien de très grave rassurez-vous! Sa «maîtrise» de l’époque de Louis XIV, est tellement exceptionnelles, que la lecture en devient instructive… Le vocabulaire de l'époque (3), les mœurs (4), sont si bien restituées, qu'il y a vraiment de quoi regretter de ne pas avoir eu Mme. DUQUESNOY, comme professeur d’histoire quand vous étiez jeunes!

Est-ce que je conseille la lecture de ce livre ? Alors là, c’est un grand OUI!
Déjà, si vous avez aimé les deux livres dont je parle plus haut, vous ne pouvez qu’aimer! Donc c'est encore, oui! Je n’en reviens pas de l’exceptionnel talent de conteuse de Mme. DUQUESNOY, une vraie magicienne, qui arrive à vous faire aimer, que dis-je? A vous passionner, pour un fait divers banal, se déroulant à une époque révolue, et avec des personnages somme toute «ordinaires»...
C’est très bien écrit, c'est puissant, c'est écrit avec des mots magnifiques, c’est de l’histoire tellement à la portée de tous, - même si c’est le plus souvent la «petite» histoire -, que vous vous surprenez à tourner les pages, sans même vous en rendre compte …
Que demande de plus un «gueux» passionné de livres comme… Moi!... Franchement? C'est un des plus beaux livres que j'ai pu lire sur cette période!.. Je reste à dire que l'on ne parle pas (et sans doute, on ne lis pas...), assez de cette autrice, qui est vraiment une grande écrivaine... Un dernier conseil pour la route? Ne tardez surtout pas à partir à la découverte de cette autrice… Vous m’en direz des nouvelles!..

(1) : Cf. : Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/63741
(2) : Cf. : Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/64069
(3) : P. ex. Vous saviez vous que si le mot «s’esclaffer», signifie aujourd'hui éclater de rire, il était à l’époque utilisé pour indiquer l’éclatement d’une chose, on disait p. ex. : «J’ai esclaffé un œuf par terre».
(4) : P. ex. Saviez-vous qu'à cette époque les confesseurs ne recevaient jamais les femmes frisées? Les frisettes étant considéré comme un signe de coquetterie, on était prié de s'abstenir de toute «féminité exagérée». Les femmes devaient donc cacher leurs cheveux sous un bonnet. Seules les femmes aux cheveux naturellement bouclés n'étaient pas concernées par cette interdiction...

P. S. : "La Chambre des diablesses" a reçu le Grand Prix littéraire de l'Académie nationale de Pharmacie.
Magnifique 10 étoiles

Quelle magnifique plongée dans le Paris du XVIIe ! Je suis aussi enthousiaste que Septularisen qui en a écrit la critique principale. Ce livre est superbement écrit, bourré d'anecdotes historiques et de détails sur la vie quotidienne à cette époque, que ce soit sur les modestes gens (voir pauvres ou extrêmement pauvres) ou sur la cour.
De sage-femme, la Voisin n'en a à la fin plus que le titre, et sa descente vers le crime est très bien décrite.
On ne peut que comprendre son évolution, tant le contexte historique est détaillé.
Vraiment, Mme Duquesnoy nous fait ici une leçon magistrale d'histoire, pour notre plus grand régal.
A lire, vous l'aurez compris.

Krys - France-Suisse - - ans - 29 mai 2024