Des orties et des hommes
de Paola Pigani

critiqué par Jfp, le 17 avril 2024
(La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans)


La note:  étoiles
le chant de la terre
Cinquante ans après, rien ou presque n’a changé, les agriculteurs, petits bien sûr, continuent à suer sang et eau sur leur terre pour payer les traites toujours plus élevées des emprunts, vendre parfois à perte des récoltes toujours plus incertaines, suivant les consignes d’une organisation syndicale tentaculaire au service des grands céréaliers. Un modèle agricole obsolète, basé sur le rendement à tout prix au risque de se ruiner la santé, celle des consommateurs aussi, détruire faune et flore, un modèle auquel s’accrochent les paysans car des conseillers agricoles bien formatés ne leur proposent aucune alternative. "Des orties et des hommes" nous plonge dans ces années 1970 où le sort du petit paysan a été joué aux dés au niveau européen, un jeu perdant-perdant malgré les efforts des militants de l’époque, comme les "Paysans travailleurs", à l’origine de l’actuelle "Confédération paysanne". Roman paysan, roman social, mais nimbé de poésie, celle de l’enfance et plus tard de l’adolescence de la petite Pia. Celle-ci égrène ses souvenirs, ceux d’une enfance heureuse en Charente au sein d’une famille unie, issue de l’immigration. Le sujet est grave, on parle de déprise agricole, de suicides (non assistés), on parle de sécheresse, la terrible sécheresse de 1976 annonciatrice des désordres climatiques qui ont suivi, mais on parle aussi d’amour et de tendresse, de solidarité. Paola Pigani, en décrivant la vie qu’elle a bien connue, a réussi un pari impossible : dans une langue travaillée à l’extrême, emplie d’images que l’on déguste de page en page sans jamais se lasser, faire renaître ce monde dont on ne parle pas, ou si peu, sauf lorsque des pneus brûlent devant une préfecture…