Oh, Canada
de Russell Banks

critiqué par Tistou, le 25 avril 2024
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Compliqué à lire
Ce roman de Russell Banks s’avère nettement plus compliqué à lire que tous les autres romans que j’ai pu lire de cet auteur. Le sujet, probablement …
Le sujet est singulier : Leonard Fife, à 77 ans est en phase terminale d’un cancer. Américain d’origine, il a fui son pays pour le Canada pour éviter d’être envoyé au Vietnam dans les années 60. Il a fait « son trou » au Canada et est devenu un cinéaste documentariste célèbre et reconnu, marqué à gauche avec divers engagements. Il sait que sa mort est une question de semaines et il a accepté la réalisation d’un documentaire sur sa vie et notamment ce qu’il s’est passé lorsqu’il a fui les Etats-Unis pour le Canada. C’est Malcolm, un de ses anciens élèves, qui marche sur ses traces, qui est aux commandes.
Oh, Canada, c’est l’histoire de cette interview filmée, réalisée dans des conditions pathétiques ; huis-clos dans le salon de Leonard reconfiguré en studio d’enregistrement, peu de personnes présentes : Emma, la femme de Leonard et Renée, l’infirmière en charge de soulager ses derniers instants de vie d’un côté, Malcolm et son équipe réduite de prises de son et d’images, et de production de l’autre.

»Elle ouvre la lourde porte coulissante qui donne dans le salon, fait franchir au fauteuil le seuil surélevé et le pousse dans la pièce plongée dans l’obscurité …/…
Rien, dans cette salle, ne correspond au souvenir qu’il en garde. Au lieu de pénétrer dans un vaste salon avec un haut plafond et quatre grandes fenêtres pourvues de rideaux, pièce confortablement meublée de canapés, de fauteuils, de tables et de lampes dans le style du milieu du XXème siècle, Fife vient d’entrer dans une boîte noire aux dimensions inconnues. Il sent la présence de plusieurs autres personnes dans cette boîte, peut-être y en a-t-il même quatre. Leur silence s’est fait abruptement, on dirait qu’ils ont retenu leur souffle à son arrivée comme s’ils ne voulaient pas qu’il sache qu’ils parlaient de lui. De sa maladie. »


Il y a un malentendu dès le départ : Malcolm veut produire un documentaire construit. Il a déjà son architecture en tête et il a préparé ses questions pour diriger l’interview, Leonard, lui, déjà dans la confusion du grand âge et gravement atteint par la maladie qui va l’emporter voit l’exercice comme la dernière occasion de révéler tous ses secrets, ses faiblesses et ses lâchetés à Emma, sa femme. C’est pourquoi il insiste pour qu’elle soit absolument présente, derrière lui, dans le noir du studio improvisé avec simplement le buste et la tête de Leonard d’éclairés.
Russell Banks veut, pas simplement raconter une vie d’un jeune américain qui a déserté son pays pour échapper au Vietnam, mais aussi mettre en lumière la fragilité de la mémoire et la difficulté de faire passer les sentiments qui ont pu motiver un être à ses diverses actions.
C’est assez étouffant et j’ai rarement mis autant de temps à lire un roman. Il me restera en mémoire, c’est certain, mais je ne suis pas sûr d’avoir pris plaisir à le lire. Après peut-être est-ce aussi dû aux circonstances extérieures qui entouraient les conditions de ma lecture ? C’est toujours difficile à dire …