Ozane de Claude Donnay

Ozane de Claude Donnay

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 25 avril 2024 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans)
La note : 9 étoiles
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Quête identitaire après déportation

Le narrateur s’installe dans une cabane perdue au bord du lac Baïkal, en Sibérie, pour écrire l’histoire de Mama, sa mère, qui lui a laissé un cahier rempli de notes. Il n’est pas très littéraire mais il veut rendre hommage à sa mère et à celles qui ont partagé son calvaire, pour ce faire, il découpe son récit en trois temps : 2015, son temps présent, celui où il s’installe solitaire , en s’inspirant de Sylvain Tesson qu’il vénère, dans une cabane isolée pour écrire son témoignage ; 2000, le temps d’Ozane, depuis le jour où la rencontre avec un ours provoque un choc qui lui fait recouvrer la mémoire ; 1944, le temps de Blanche, jeune Belge, engagée dans la résistance, dénoncée, arrêtée, torturée, déportée à Ravensbrück.

Claude découpe son récit en chapitres courts en se reportant en alternance au temps de Blanche, la jeune résistante, à celui d’Ozane la femme sibérienne et enfin au temps présent, celui du fils qui écrit l’histoire de sa mère. Le récit commence par la rencontre d’Ozane avec un ours qui lui cause une telle frayeur qu’elle s’évanouit. Quand elle retrouve ses esprits, elle sent, dans les jours qui suivent, des impressions qui viennent hanter sa mémoire et surtout des rêves qui peuplent de plus en plus ses nuits. Ces rêves et ses souvenirs viennent d’un autre temps, d’un ailleurs où elle était une autre.

Ces images, ces scènes, remontant à sa mémoire, évoquent un temps où elle n’était pas la Parisienne juive rescapée du camp de Ravensbrück devenue Sibérienne avec Ilya son sauveur. Peu à peu un autre personnage se dessine dans sa mémoire, un autre nom apparait, une certaine Blanche vient hanter ses nuits et ses moments de solitude. Et progressivement, elle comprend qu’elle est peut-être cette Blanche… Elle se souvient de cette nuit où les soldats allemands sont venus l’arrêter avec d’autres, de ces jours où elle a été enfermée, battue, torturée, violée et finalement déportée dans un camp de concentration pour femmes.
Dans ce camp, elle a rencontré Ozane, un jeune fille fragile avec une étoile jaune sur le côté, ensemble avec quelques autres elles constituent un petit groupe où elles se confortent mutuellement pour éviter la sanction mortelle des gardiennes envers les plus faibles inaptes au travail. Ensemble, elles résistent jusqu’à l’arrivée des Russes qui n’est qu’un autre supplice. Le camp est évacué, Blanche/Ozane est sauvée par un soldat russe qui prend soin d’elle jusqu’au jour, où voulant retrouver son autonomie elle chute lourdement et perd connaissance sur les escaliers de l’hôpital où elle est soignée. Ilya, le brave soldat russe, l’emmène alors en Sibérie sur les bords du lac Baïkal, là où il vit de sa pêche. Il l’appelle Ozane car elle porte une guenille avec, sur le côté, l’étoile jaune des juifs et un matricule qui correspond à celui de cette jeune parisienne déportée en 1944. Il l’épouse, elle donne naissance à Pierre, le fils qui raconte et un jour elle rencontre un ours effrayant…

Et de cette rencontre renaît son histoire qu’elle refuse de croire mais finit par accepter quand toutes les pièces du puzzle finissent par s’ajuster. Commence alors pour elle une nouvelle épreuve, elle doit accepter de vivre avec deux passés, deux histoires, une double ration de tortures et d’épreuves… Doit-elle partager cette double personnalité avec les siens, avec les autres, avec ses deux familles et surtout avec son nouveau compagnon rencontré après le décès d’Ilya, un « zek », un déporté évadé du goulag, dans lequel elle retrouve les caractéristiques de la déportation, de la détention et du travail forcé.

Claude est un excellent poète, il l’a démontré depuis longtemps, ainsi dans son texte tout est juste : les mots, la musique et le rythme mais ce qui m’a surtout impressionné c’est la qualité de la mécanique de l’intrigue qui tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière ligne sans jamais avoir recours à un quelconque artifice. Et ce texte est fort documenté, très crédible. Il traite avec beaucoup de profondeur les thèmes de l’identité, de la recherche de l’identité, de l’acceptation du passé, de la résilience pour avancer vers un avenir meilleur à vivre avec les autres sans les entrainer dans son propre passé maudit. Et c’est aussi un rappel de ce que fut les camp de Ravensbrück où étaient internées des femmes principalement.

Ce roman sera probablement parmi mes meilleures lectures de 2024. De livre en livre, Claude propose des textes de plus en plus riches, de plus en plus aboutis, de plus en plus séduisants… De la belle littérature.

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