Le château du silence
de Olivier Delorme

critiqué par Maroni, le 19 décembre 2004
( - 65 ans)


La note:  étoiles
Attention chef d'oeuvre !
Nous sommes en 1990, le narrateur est un journaliste envoyé par son journal à Beyrouth, d’où il doit couvrir la Guerre du Golfe qui se prépare après l’invasion du Koweït par les troupes irakiennes. Au fil de la lecture, je me suis d’ailleurs rendu compte que ce narrateur ne sera jamais nommé (enfin je crois bien). Depuis Beyrouth où il passe son temps à attendre, il décide de s’accorder quelques jours de congés sur l’île de Chypre très proche.
Et là, très vite, tout bascule. Il fait la connaissance d’Alekos, un jeune chypriote dont le frère a disparu au moment de l’invasion du Nord de l’île par l’armée turque en 1974. A partir de là, il se lance dans une véritable enquête pour essayer de retrouver la trace de ce disparu. Sa quête devient de plus en plus obsessionnelle alors que tout bascule autour de lui : sa femme restée à Paris s’éloigne de lui, son emploi de journaliste est menacé…
Le roman est ponctué d’interventions du disparu auquel le narrateur va s’identifier de plus en plus jusqu’à subir un changement complet de sa personnalité. Bon, je ne vais pas raconter toute l’histoire ni le dénouement, mais ce roman est un des meilleurs que j’ai lus ces dernières années : le style est superbe, les personnages secondaires particulièrement réussis et l’intrigue principale bouleversante. J’ajoute qu’au fil du récit il sera question de peinture (Dorian Gray n’est pas loin), d’homosexualité, de théologie (passionnant), avec aussi une critique acerbe (et drôle) de certains milieux intellos parisiens.
Un cri 10 étoiles

C'est un silence étourdissant qu'Olivier Delorme rompt ici : celui qui entoure la disparition de centaines ( 1619 selon l'historien-romancier,1493 selon l'Express du 24 août 2008 http://lexpress.fr/actualite/monde/…, ) de Chypriotes grecs lors des divers combats qui ont marqué la scission de l'île.
Silence et cris de désespoir alternent au long d'un récit exceptionnel par ses angles d'attaque et la force de cette plume qui entraîne le lecteur dans les profondeurs avant de le hisser sur des sommets .
Le journaliste-narrateur est tellement imprégné de la cause de l'un de ces disparus qu'il va voir se fondre deux personnalités en lui. Cette fusion, qui n'est pas un dédoublement de personnalité, va ouvrir la porte à des révélations humaines et philosophiques : orientation sexuelle, interrogations gnostiques, expériences artistiques ...
Contrairement à ses autres romans,Olivier Delorme offre ici peu de clins d'oeil au lecteur, très peu de connivence intellectuelle sous forme de clés en lien avec l'actualité, c'est une TOTALE EMPATHIE à la mesure de la fusion journaliste/disparu qui est possible dans cet incroyable Château...
On est ici en présence d'une oeuvre inclassable par sa force et sa singularité. Grand dévoreur de livres, c'est la première fois que je relis le même roman deux fois de suite en moins de vingt-quatre heures. Une avidité excessive m'ayant fait tourner les pages trop vite, j'ai dû procéder à une deuxième lecture, un peu plus apaisée et surtout plus propice à saisir, avec une tension moindre, toutes les richesses de ce texte.
6 étoiles ???

Spiderman - - 62 ans - 24 juillet 2008