Les derniers jours de Roger Federer: Et autres manières de finir de Geoff Dyer

Les derniers jours de Roger Federer: Et autres manières de finir de Geoff Dyer

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Poet75, le 31 mai 2024 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Profondeur et humour à l'anglaise

« L’une des questions qui avaient suscité ma curiosité sur ce sujet – la fin de toutes choses, les dernières œuvres des artistes, le temps qui s’enfuit – était celle (…) du jour inévitable où Roger Federer prendrait lui aussi sa retraite », écrit Geoff Dyer à la page 15 du présent ouvrage. Voici résumé le propos du livre, mais de façon réductrice car l’auteur est du genre à aimer vagabonder, s’éloigner de son sujet pour mieux y revenir ensuite, comme le faisait Montaigne dans ses Essais. Cela contribue à rendre fort agréable la lecture de ces considérations, d’autant plus que notre écrivain n’est jamais avare de notes plus ou moins humoristiques.
Cela étant dit, ajoutons, pour ne pas rebuter les lectrices et lecteurs que le tennis laisse indifférents (je fais moi-même partie de cette catégorie), qu’il ne faut pas trop se fier au titre de l’ouvrage. Certes, il est bel et bien abondamment question non seulement de Roger Federer mais d’autres joueurs de tennis et de ce sport en général (Geoff Dyer lui-même en étant un passionné et un joueur amateur qui, malheureusement, a fini par souffrir de cette tendinite qu’on appelle tennis elbow) dans ce livre, mais il y est également question de bien d’autres personnalités et de bien d’autres sujets. Et même quand Dyer écrit sur le tennis, étant donné son humour et l’angle par lequel il aborde cette passion, on peut y trouver grand intérêt. Car, que ce soit par le biais du tennis ou de tout autre domaine d’activité, ce qui intéresse l’auteur, c’est ce qui se passe après. Que deviennent un champion des courts de tennis, un musicien, un écrivain, etc., quand leur heure de gloire s’achève ?
Certains réussissent à faire ce qu’on appelle un comeback, d’autres souffrent d’un irrémédiable déclin, d’autres encore, au contraire, même s’ils sont incompris de leur vivant, livrent, à la fin de leur parcours, leurs œuvres les plus audacieuses et les plus parfaites. Tous ces cas de figure, Dyer les explore avec un enthousiasme communicatif. Il glose longuement sur Roger Federer, Boris Becker et autres tennismen, il se compare lui-même, en tant que joueur, à ces « chiens qui courent inlassablement après la baballe ». Il disserte tout aussi abondamment sur des chanteurs et musiciens qu’il affectionne, Bob Dylan qui, à force de trop chanter, s’est abimé la voix, Duke Ellington, John Coltrane, mais aussi et surtout Beethoven et, tout particulièrement, son quatuor opus 132.
De Wagner aussi, il est question, mais par le biais de ce qu’écrivit sur lui Nietzsche dont on sait qu’après avoir été un fervent admirateur du maître de Bayreuth, il s’en détourna pour le critiquer sévèrement dans l’un de ses derniers ouvrages. Sur certains écrivains et sur leurs livres, Geoff Dyer écrit tout aussi généreusement que sur le tennis, entre autres sur Jack Kerouac qui, après avoir écrit Sur la route en 1957, fut « condamné à vivre le reste de sa vie dans le sillage de sa propre légende », sur Hemingway, Updike, Jean Rhys. Mais c’est surtout Nietzsche sur lequel s’attarde l’écrivain, multipliant les remarques pertinentes sur sa vie et son œuvre. Enfin, l’on ne manquera pas d’apprécier les pages consacrées à quelques peintres, Giorgio de Chirico (qui, après 1919, ne fit plus que « se plagier lui-même ») et, surtout, Joseph Turner, le grand peintre britannique dont les dernières œuvres, incomprises par presque tout le monde de son vivant, préfiguraient l’art abstrait. Geoff Dyer se plaît également à disserter sur les points communs entre Turner et Beethoven, deux génies dont l’apparence fruste et vulgaire surprirent leurs contemporains qui se demandaient comment de tels hommes pouvaient être d’aussi éblouissants créateurs !
On trouvera encore, dans ce livre, beaucoup de considérations à la fois subtiles et amusantes, entre autres sur les livres que Dyer n’a jamais pu finir ou sur sa découverte émerveillée de Colonel Blimp (1943), un film de Michael Powell et Emeric Pressburger. À chaque fois et sur chaque sujet et quelle que soit la forme choisie, critiques, mémoires ou saillies réflexives, nous avons de quoi nous régaler de l’art singulier d’un auteur très attachant.

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