De braves et honnêtes meurtriers
de Ingo Schulze

critiqué par Pucksimberg, le 4 juin 2024
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Libraire en Allemagne de l'Est
Norbert Paulini est un libraire de Dresde qui s’est spécialisé dans les livres anciens. Il connaît sa boutique par cœur, connaît bien la littérature, connaît très bien ses clients, ce qui fait qu’il anticipe sur leurs réactions, met de côté certains livres qui sauront leur plaire. Toute la première partie concerne ce libraire, sa passion, son parcours avec en toile de fond l’Allemagne de la RFA et de la RDA. La librairie de Norbert est en Allemagne de l’Est, ce qui n’est évidemment pas un détail. Dans la seconde partie, Schultze est le narrateur et l’écrivain qui va coucher sur papier l’histoire de ce libraire, nom qui ne peut qu’évoquer le nom de l’écrivain du roman Ingo Schulze dont le « t » matérialise la distinction. La troisième partie plus courte se focalise sur l’éditrice. La chute du mur de Berlin entrainera des conséquences importantes dans le quotidien de Norbert, et pas forcément les meilleures …

Ce roman est agréable à lire car il met au centre même de l’histoire les livres et les libraires. Des romans sont parfois évoqués, comme des auteurs, ce qui stimule toujours notre imaginaire et ouvre des portes sur de potentielles futures lectures. Les personnages secondaires sont intéressants aussi et on aime à voir le lien qu’ils auront avec cette librairie. Certains épisodes historiques vont modifier le quotidien de Norbert, voire même ses idées. Certains changements brutaux vont aussi interroger le lecteur qui doute parfois du personnage principal. Est-il ambivalent ? Peut-il nier des valeurs qu’il semblait défendre au départ ? Sans compter que le récit est pris en charge par un narrateur qui est aussi l’auteur. Ce dernier modifie-t-il son récit ? Narre-t-il précisément la vie de Norbert ? Le roman pose des questions sur la littérature et le monde des livres qui intègre bien évidemment les lecteurs.

Ces derniers ont souvent souligné la qualité de l’écriture d’Ingo Schulze sur internet. Ce n’est pas un point qui m’a séduit. J’ai aimé l’univers dépeint, les personnages, l’ancrage dans l’époque de la RDA avec la Stasi et autres détails significatifs, mais le style ne m’a pas touché. Il reste simple et agréable sans pour autant me séduire. Il est des auteurs qui ont une écriture identifiable et une musique qui leur est propre, je ne suis vraiment pas sûr que l’écriture de ce roman ait une telle empreinte, mais cela n’engage que moi. Günter Grass avait beaucoup de respect pour cet écrivain qu’il semble adouber : « Ingo Schulze est un grand écrivain. » Le roman possède tout de même son lot de réflexions intéressantes qui séduisent par leur pertinence. Et il y en a énormément : « celui qui lui-même écrit n’est plus en mesure de vraiment lire »