À Vau-l’eau
de Patrick Henin-Miris

critiqué par Débézed, le 4 juin 2024
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Leçon de bon sens
J’ai déjà commenté plusieurs recueils de Patrick Henin-Miris, ou de Patrick Henin tout court, tous chez le même éditeur : Cactus inébranlable éditions, c’est un grand spécialiste des formes courtes : aphorismes, micronouvelles, formules concises, maximes, etc… Dans le présent opus, édité dans la collection Microcactus, il propose des textes courts, souvent même très courts, dans lesquels il détourne des formules largement usitées pour leur donner un autre sens beaucoup moins convenu, plus insolite, souvent drôle, satirique ou ironique. Il évoque aussi ses réflexions sur la vie sur terre, sur ses aléas souvent incongrus, sur ses absurdités, sur ses dérapages et sur les faiblesses des humains face aux phénomènes qu’ils doivent subir quelle que soit leur nature.

Il propose aussi des micronouvelles sur des sujets très divers, des description tout à fait personnelles de tout ce qui nous entoure ou nous impacte, … il manie le paradoxe, le burlesque, l’humour, parfois noir, avec une grande sagacité, il fait mouche à chaque fois. Il aime aussi personnaliser les choses et les phénomènes pour les faire parler et agir avec plus d’habilité et de personnalité. Il décrit également les évidences incongrues qu’il décèle dans toutes les composantes de la vie. Il se livre aussi à certains jeux littéraires comme l’art de jeter un regard inversé sur son sujet pour en donner une autre lecture, une autre version, un autre aperçu…

Patrick, avec sa grande finesse d’esprit et sa riche inspiration, est un grand manipulateur de mots et de formules, il sait leur faire dire ce qu’ils cachent et même ce qu’ils ne voudraient pas dire pour nous faire voir le monde autrement, pour que nous ne nous cantonnions pas dans une vision convenue du monde proposée par ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui nous disent comment dépenser notre maigre magot. Il a compris que tout ceux qui manipulent la société avec leurs nouvelles technologies, jouent avec nous et il leur propose quelques recettes pour ne pas nous perdre dans leur aventure audacieuse et téméraire, comme le développement de l’imagination et de la création littéraire. « … Il alla voir, et à peine eut-il posé un pied sur ce chemin de traverse, qu’un phénomène mystérieux se passa, sa mémoire se vida d’un coup pour laisser la place à son imagination ». « … Il s’écouta alors lui-même et s’aperçut qu’il employait que des phrases toutes faites. Du prêt à parler, quoi ! Du déjà entendu ! Il était grand temps qu’il crée ses propres lignes ».

Il nous reste à espérer qu’il n’adopte pas cette injonction qu’il propose à la fin de son recueil et qu’il continuera à ouvrir la sienne pour le plaisir des lecteurs et le bien-être de l’humanité : « … Pour cause de restructuration, fermeture des gueules jusqu’à nouvel ordre ». Il sait aussi la poésie, il en glisse quelques petites rasades dans son texte, comme celle-ci : « Quand la lune broie du noir, c’est une nuit blanche ».