Tout un monde dans une coquille: Histoires d'escargots au temps des extinctions
de Thom Van Dooren

critiqué par Colen8, le 7 juin 2024
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Sur les chemins de bave argentée
C’est bien l’étrange pouvoir d’un vivant en voie de disparition après avoir survécu aux pires extinctions naturelles depuis 550 millions d’années. Le monde aurait encore tant à apprendre de ces timides mollusques sourds, aveugles et peu mobiles, incapables de dériver ni de voler, contribuant néanmoins à entretenir de vastes écosystèmes de forêts humides. Les chercheurs en sont encore à se demander comment ces espèces d’escargots endémiques à 99% ont réussi à se répandre dans tout un archipel ayant émergé des volcans sous-marins en plein milieu du Pacifique, celui d’Hawaï en l’occurrence.
Si insignifiant qu’il puisse paraître l’invertébré interpelle le philosophe de l’environnement Thom Van Dooren. Les mystères de ses connexions multiples l’ont décidé à rendre publics les efforts de conservation des rares espèces encore capables de survivre sur les quelque 750 ayant pu être identifiées. La prédation s’est produite dès l’arrivée des mélanésiens il y a 1500 ans, s’est accélérée avec entre autres la déforestation à grande échelle résultant de la colonisation anglo-américaine. L’implantation de bases d’entraînement militaire quand les Etats-Unis ont dûment annexé l’archipel auront fait le reste.
Le fil de la longue évolution des escargots dans cet environnement unique se reflète dans les collections muséales de coquilles. Les biologistes ont classé les espèces encore vivantes à Hawaï devenu leur centre mondial comme de remarquables agents de recyclage selon leur habitat : soit dans les arbres où ils se nourrissent de microbes pathogènes pour les feuilles, soit au sol pour l’enrichir par la régénération des déchets végétaux. Les traces de bave qui leur servent de moyen de reconnaissance pour se regrouper et se reproduire au sein de chaque espèce traduisent leur étonnante perception du monde.