Le rouge du tarbouche
de Abdellah Taïa

critiqué par Pucksimberg, le 9 juin 2024
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Entre Paris et Salé ...
Abdellah Taïa livre ici un texte autobiographique qui s’apparente à un recueil de nouvelles dans lesquelles il évoque divers épisodes portant sur des expériences vécues ou sur des personnes qu’il a côtoyées. Il est originaire de Salé, juste à côté de Rabat, et avait conscience qu’il n’avait pas d’avenir au Maroc. Il se lance dans des études de lettres, en France, à Paris. Loin de sa ville natale, il se met à rêver de sa ville et de son pays. Il évoque de micro-événements qui sont empreints d’émotions. Dans ces courts chapitres aux allures de nouvelles, le lecteur y croise la mère de l’écrivain, son frère qu’il admire beaucoup, un professeur de littérature, un cousin qui lui permet de se recueillir à Larache sur la tombe de Jean Genet … Il parle aussi de son amour pour le cinéma, de son envie de réalisation, du corps nu de Juliette Binoche sur grand écran …

Ces textes se lisent avec un grand plaisir. Elles nous font voyager dans le Maroc d’Abdellah Taïa, un Maroc touchant, parfois violent, sensuel aussi. Cette ville de Salé semble transfigurée sous sa plume. Il évoque son passé avec ses pirates et ses marchés aux esclaves. Cette ville semble habitée par certains mythes. Ce n’est pas pour autant que tout est idéalisé. Certains épisodes sont évoqués avec réalisme et interpellent le lecteur. Certains personnages sont touchants et le lecteur aurait peut-être aimé poursuivre leur histoire sur plusieurs pages. Ici, Abdellah Taïa opte pour une forme brève et ses textes sont comme des instantanés qui nous donnent à voir un point précis. Ils agissent comme une mosaïque qui lorsqu’elle est reconstituée donne à voir le Maroc d’Abdellah Taïa tout en permettant de mieux comprendre et connaître l’auteur marocain.

J’ai aimé le style de l’écrivain et son univers qui permet de voyager et d’avoir une vue globale sur une partie du Maroc. Cette façon de parler de soi à travers plein de saynètes est agréable car elle permet de reconstituer le puzzle de cette période de la vie de l’auteur. Ce dernier a un parler vrai et ne passe pas par des détours pour nommer les faits. Il ne se censure pas et ne cherche pas qu’à dire les faits esthétiques. Il se permet parfois de décrire des pulsions et ou des désirs souvent cachés car non consensuels, qui nous font prendre conscience que ces envies sont naturelles et ont le droit d’être évoquées sans être jugées bêtement. Il n’y a pas d’hypocrisie et il peut être touchant dans cet élan de sincérité. Il a vraiment une voix qui lui est propre et qui mérite d’être entendue.