Un passé multiple de Monique Thomassettie

Un passé multiple de Monique Thomassettie

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 21 juin 2024 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans)
La note : 7 étoiles
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Chercher dans son passé pour se comprendre

En mettant de l’ordre dans ses fichiers, Monique a retrouvé des textes ou des bouts de textes qu’elle a publiés dans des revues, sur son blog, sur les réseaux sociaux ou ailleurs encore, des textes qui évoquent surtout son enfance et principalement sa mère qu’elle a tant aimée et dont elle n’a fait le deuil que très difficilement, du moins d’après ce que j’ai retiré de ma lecture. « Un passé multiple mais non morcelé » comme elle l’écrit en exergue de ce recueil. Un retour à ses origines effectué non seulement par simple nostalgie ou tendresse filiale mais aussi pour « Revenir au passé / Non pour ressasser / Mais pour éclaircir ». « Mémoire intemporelle qui donne libre cours à la fantaisie. / Fantaisie dans la composition qui allège, aère, varie. Mais non dans la fidélité à ces souvenirs / Ils sont rigoureusement vrais ! ».

Cette mère adorée est partie dans des conditions difficiles, à la suite d’une erreur médicale semble-t-il, ce qui n’a sans doute pas favorisé le deuil. Mais sa mère avait déjà connu le drame, elle n’a pas pu apprendre la langue de ses ancêtres à ses enfants « car elle était moralement interdite ». En effet, elle est née dans la partie germanique de la Belgique et elle a donc connu le même sort que les Alsaciens de France passés d’un état à l’autre sans changer de nation mais en devant changer de langue et de culture. Le traumatisme fut important et a pu se transmettre aux enfants dès la grossesse.

Ces textes testamentaires en vers ou en prose sont souvent d’une grande poésie même s’ils sont parfois purement narratifs ou descriptifs, il reste la plupart du temps évocateurs des sentiments que l’auteur éprouvait vis-à-vis de sa mère. Elle veut donc faire revivre le passé, l’explorer, le sonder, pour le comprendre, l’apprivoiser et enfin le dompter pour mieux vivre son présent en acceptant l’absence et en canalisant ses propres angoisses. Cette mise en forme de textes de diverses provenances est un exercice d’affection, sans cesse contenue, pour cette mère adulée, une preuve d’admiration pour la mère triomphatrice de toutes les épreuves et aussi une forme de compassion pour cette mère déportée à l’intérieur de son propre pays. Un long parcours pour se mettre en adéquation avec elle-même et pour accepter la concurrence avec sa sœur.

« Ces pages mûries et méditées, je veux maintenant les extraire de mon oubli pour les hisser à ma conscience ». « Ce recueil ne se veut pas une somme ! / Il assemble modestement / des moments qui ont marqué ma vie », souvent Monique affiche une modestie un peu exagérée qui montre peut-être un certain manque de confiance ou peut-être une vive hypersensibilité.

Il n’y a pas que la mère et son départ prématuré, il n’y a pas que la sœur peut-être préférée, il y aussi ce que l’on ne dit jamais parce que ce ne sont pas des choses dont les enfants parlent mais ils savent très bien que c’est mal.« Si ma famille l’avait su, m’aurait-elle mieux comprise ? ». Il n’en aurait peut-être pas fallu plus pour qu’elle cesse de pousser ce maudit rocher qui toujours veut revenir vers le bas là où elle se complait peut-être un peu… ?

L’occasion de relire ses fichiers, de les retravailler, de s‘en réimprégner lui procure peut-être l’opportunité d’oublier ses angoisses même si elle écrit : « Mais suis-je vraiment déjà sortie / de l’auberge dépressive ? ». Ce regard sur son œuvre, lui a sans doute apporté un peu de la confiance qui semble lui faire défaut, car elle a pu voir de ses propres yeux qu’elle est une vraie auteure dotée d’un réel talent, qu’elle a une sensibilité qui émeut le lecteur, qu’elle analyse ses sentiments avec finesse et sincérité. Elle sait qu’elle est une meilleure auteure que d’autres publiées à grands renforts publicitaires.

Après ce bel exercice mémoriel, elle sait désormais qu’elle peut : « M(s)e tourner vers un insaisissable passé pour échapper à un présent toujours aussi fuyant ». En adoptant son passé aurait-elle maîtrisé son présent et dégagé son avenir ?

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