L'immunité merveilleuse: Aventure sans alibis
de Jean-Pierre Otte

critiqué par Voiz'art, le 24 juin 2024
( - 53 ans)


La note:  étoiles
La joyeuse densité et la transparence de la vie
Je lis Jean-Pierre Otte depuis ses premiers livres. Il est l’un de mes écrivains préférés, l’un des grands « inspirateurs » auquel je reviens sans cesse. Il a une place de choix dans ma bibliothèque aux côtés d’Hermann Hesse, de Giono, de Knut Hamsun, de John Cowper Powys, de Walt Whitman, d’Ernst Jünger..mais aussi des ouvrages de Cioran. Si JPO et Cioran ont atteint un point de non-retour, à partir de ce point il y a le choix entre le plaisir et le déplaisir de vivre (encore qu’il puisse y avoir un bonheur dans le déplaisir même. Otte, pour sa part et dès le départ à opter pour le plaisir d’exister.
Dans ses poèmes, et particulièrement dans ceux de L’immunité merveilleuse ,paru aux éditions Sans-Escale, il atteint une densité et une transparence extraordinaires, de vie et d’écriture, de « vie-écriture » pour reprendre l’une de ses expressions.

Ces métaphores venues d'un temps
qui s'envide dans la nostalgie de l'avenir,
ainsi que des oiseaux marins revenant des confins
ou ces paroles dont il ne subsiste que l'écho,
ne sont sans doute que le reliquat d'un rêve audacieux,
à présent qu’aux quatre carreaux de la fenêtre,
il y a la figure aveugle et fugitive d’une averse.
Ferme les yeux pour faire partie de l’image.


Nous voyageons dans les livres de Jean-Pierre Otte pour connaître, apprendre, apprendre et plus encore pour co-naître, c’est-à-dire pour naître avec, et par instants, nous fermons les yeux pour mieux éprouver les sensations qu’il écrit et décrit. Jean-Pierre Otte est un sensualiste exprimant les sensations, la partie de sensibilité qui s’y loge, le sens et les sens. Notre écrivain est un homme aux aguets de tous les signes, olfactifs, visuels et alphabétiques.

L’âme est une arrière-boutique calme
où ont lieu de secrets travaux d’orfèvrerie.
Il y a dans l’ombre des similitudes scintillantes,
des reflets bleus de mémoire au charme ensorcelant
des miroirs gelés comme les flaques de l’hiver.
La terre, dit-on, est la chair d'un dieu disparu.


Son écriture est de profondeur et frontalière, en lisière, inscrite et ancrée dans la réalité la plus quotidienne tout autant que dans celle de l’intimité de l’être. Dans ses poèmes, tout est chargé de l’extraordinaire complexité et de l’extraordinaire simplicité de tout.
L’âme est une arrière-boutique calme
où ont lieu de secrets travaux d’orfèvrerie.
Il y a dans l’ombre des similitudes scintillantes,
des reflets bleus de mémoire au charme ensorcelant
des miroirs gelés comme les flaques de l’hiver.
La terre, dit-on, est la chair d'un dieu disparu.

Qu’ajouter, sinon que voilà un livre fort, fertile, d’une écriture incomparable et d’un talent de maturité qui a le goût d’un alcool fort.
Voiz’art