Dans les couloirs du Conseil constitutionnel
de Marie Bardiaux-Vaïente (Scénario), Gally (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 1 juillet 2024
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Une arme de sagesse pour protéger la démocratie
Assez méconnu du grand public, le Conseil constitutionnel fait pourtant figure d’organe de premier plan au sein de la République française. Son rôle ? Dire la loi, de la façon la plus neutre et hors du cadre politique. Né avec la Cinquième république en 1958, à l’initiative du Général de Gaulle, elle protège notre démocratie des dérives autoritaires. Marie Bardiaux-Vaïente et Gally sont parties déambuler du côté du Palais royal, là où siège la vénérable institution. Elles nous livrent un reportage ludique et passionnant qui nous fait prendre conscience de son importance vitale.

Mais qui pourrait donc avoir envie de se fader un ouvrage sur le Conseil constitutionnel ? Pas franchement sexy comme sujet, non ? Et pourtant, contre toute attente, les deux autrices ont relevé le défi : réussir à nous passionner pour une institution majeure de la vie politique française ! Pour cela, elles ont adopté l’angle de la légèreté avec une narration dynamique et humoristique, tout l’inverse de l’image poussiéreuse que l’on pourrait avoir de cette institution « bien à l’abri derrière les murs épais du Palais royal ». Mais comme on va le voir ici, la réalité diffère du cliché…

L’ouvrage nous rappelle les origines de l’organisation, en expliquant comment au fil des ans l’importance qu’elle a prise dans l’Histoire française. On y apprend pas mal de choses sur son fonctionnement, notamment sur la distinction à faire avec d’autres juridictions comme le Conseil d’État ou la Cour de cassation. La majorité des juristes s’accordent à reconnaître que le Conseil des sages, autre dénomination du Conseil constitutionnel, constitue un progrès pour garantir le respect de la Constitution, et par extension, de l’état de droit et des libertés publiques, afin que, comme le disait Montesquieu, « le pouvoir arrête le pouvoir ». On apprend que dans la hiérarchie des normes, la Constitution domine les traités internationaux, devant les lois et les règlements.

Et comme on se demandera légitimement comment ses membres pourraient ne pas être suspectés d’agir en fonction de leur bord politique, Marie Bardiaux-Vaïente nous explique que quand ils y entrent, « ils s’identifient à leur nouvelle fonction », « ont abandonné leurs anciennes attaches partisanes », permettant ainsi une garantie démocratique. A ce titre, on apprend par ailleurs que depuis 2008, tout citoyen peut saisir la Constitution dans un cadre défini, avec un accès à la QPC (Question prioritaire de constitutionnalité), s’il estime qu’une loi semble nuire à sa liberté. Sont cités comme exemple la censure par le Conseil en 1971 de la loi Marcellin limitant la liberté d’association, suite à une campagne menée par Simone de Beauvoir, ou plus récemment la relaxe définitive de Cédric Herrou malgré un acharnement judiciaire édifiant, lequel s’était vu poursuivi pour avoir aidé des personnes en situation irrégulière, mais aussi, last but not least, l’adoption en 1974 de la loi Veil jugée conforme à la Constitution, après les multiples péripéties que l’on connaît. Il n’est pas fait mention de la récente inscription dans la Constitution du droit à l’IVG, mais le livre était visiblement déjà bouclé avant l’événement.

En guise de conclusion, l’ouvrage nous expose la fonction la plus connue du Conseil, consistant à veiller à la régularité de l’élection présidentielle (validation des parrainages et contrôle aléatoire des bureaux de vote). Un véritable travail de fourmi avant que les résultats ne soient proclamés.

Le dessin de Gally contribue largement à alléger l’aspect rébarbatif du sujet, qui devient ainsi beaucoup plus engageant. Son trait rond et simple, l’aspect rigolo et dynamique du duo d’autrices, mises en scène dans une sorte d’enquête journalistique qui ressemble presque à une déambulation dans un parc d’attractions (même si on imagine facilement qu’il a fallu un minimum de sérieux et de rigueur pour synthétiser un tel sujet en une petite centaine de pages), la mise en page variée et l’absence de temps morts, tout cela contribue à faire qu’on ne s’ennuie pas un instant.

Excellent ouvrage pédagogique par l’intérêt qu’il réussit à susciter chez le lecteur, « Dans les couloirs du Conseil constitutionnel » fournit un panorama assez complet de cette instance de premier plan, de ses coulisses et de ses enjeux. Même si bien sûr, il n’a pas prétention à nous apporter la maîtrise des arcanes complexes de l’institution, on sort de cette lecture plus instruit sur un aspect essentiel de la vie politique en France, davantage conscient de l’importance d’un bon fonctionnement démocratique contre les dérives autoritaires, une menace qui pèse dans le contexte politique actuel. Peut-être même aurons-nous envie, en citoyen responsable et éclairé, de creuser le sujet en se tournant vers des publications plus détaillées…