L'armée du salut
de Abdellah Taïa

critiqué par Pucksimberg, le 8 juillet 2024
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Une jeunesse marocaine
Ce roman à teneur autobiographique se compose de trois parties. Abdellah Taïa nous plonge dans l’intimité de son enfance en nous présentant les membres de sa famille et ce grand frère dont il semble amoureux tant il est beau. Nous suivons donc le jeune Abdellah et découvrons la place qu’il occupe dans sa famille, lui qui n’a pas sa chambre attitrée et qui dort auprès de sa mère et de ses sœurs. On le suit aussi à Genève pour ses études, lui qui est passionné par la littérature et le cinéma. La solitude reste une impression qui prédomine dans ses romans quand il est loin de son Maroc natal.

Ce roman est réussi et donne à voir une famille marocaine très modeste. Les souvenirs sont évoqués avec une certaine tendresse et sensualité parfois. Il y a une certaine liberté dans les romans d’Abdellah Taïa qui ose parler d’homosexualité dans un pays qui la condamne ouvertement, mais la tolère de façon tacite si tout reste secret. Le dernier tiers de ce roman fonctionne comme un roman d’apprentissage dans lequel le personnage principal vient d’un milieu modeste, quitte sa province pour gagner les grandes villes qui permettent la réussite sociale et des apprentissages dans tous les domaines. Il y a un peu de Julien Sorel et de Georges Duroy dans ce personnage principal même si l’écriture n’est pas la même que celle de Stendhal et de Maupassant et que le cadre spatio-temporel n’est pas le même non plus.

Abdellah Taïa construit progressivement une œuvre intéressante qui aborde des thèmes récurrents, ce qui est souvent la marque de grands écrivains comme Modiano ou Makine. Son écriture est vive et a un pouvoir évocateur fort. Il est facile d’imaginer les personnes ou les scènes décrites quand on le lit. Le roman a été adapté au cinéma par l’écrivain même et possède aussi de belles qualités. J’ai préféré la lecture qui fait la part belle à l’imagination.