M Train
de Patti Smith

critiqué par Pucksimberg, le 24 juillet 2024
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Voyages extérieurs à travers le monde et voyages intérieurs dans Patti Smith
Patti Smith est une artiste incroyable, elle a une œuvre musicale géniale au vrai sens du terme, une présence scénique d’une rare intensité et mais elle est aussi une écrivaine et poétesse remarquable. On est parfois dérangés par les artistes qui chantent et qui tentent aussi leur chance au cinéma. Il y a des barrières qui ne semblent pas pouvoir être franchies. Depuis quelques années, nous tolérons davantage ce fait si l’on pense à Charlotte Gainsbourg, Bertrand Belin, voire Lady Gaga plus récemment et bien d’autres. Aux Etats-Unis, il y a un terreau d’artistes qui sont reliés au monde musical mais qui sont aussi reconnus pour leur écriture comme Bob Dylan récompensé par le prix Nobel de littérature, Léonard Cohen, Patti Smith …

Je suis totalement tombé sous le charme de ce roman qui semble nourri par son goût pour les auteurs de la Beat generation. Elle évoque au début de son œuvre l’idée d’écrire un livre sur rien, vaste projet déjà envisagé par Flaubert et ce roman se compose sans doute de petits riens, mais qui sont essentiels et définissent tout simplement la vie. Et quelle vie ! Patti Smith présente 18 lieux qui l’ont inspirée et qui ont construit une partie d’elle-même. Comme avec Jack Kerouac, le lecteur part sur la route avec Patti Smith, de la France à New York, du Maroc à Berlin, de Mexico et plein d’autres endroits qui l’ont reliée très souvent à des artistes ayant vécu dans ces lieux. Croyante, elle se rend souvent dans des villes pour se rapprocher d’objets ayant appartenu à des écrivains ou peintres qu’elle adule. Elle se recueille aussi sur les tombes de grandes figures artistiques. Elle n’hésite pas à parler à ses morts, à faire des cadeaux à ces artistes, en apportant par exemple des pierres du bagne de Cayenne sur la tombe de Jean Genet qui n’avait pu s’y rendre. Ces voyages extérieurs sont aussi et surtout de véritables voyages intérieurs. On découvre une artiste mélancolique, assez solitaire, qui pense souvent à son grand amour Fred « Sonic » Smith. Elle éprouve un besoin irrépressible de boire du café, de fréquenter ces lieux où l’on en sert. Elle éprouve un attachement à certains objets qui ont une charge affective et elle leur parle aussi. Et elle exprime sans aucun snobisme son amour pour la littérature, pour l’objet livre aussi et pour les séries policières TV, surtout « The Killing » dont elle admire grandement l’inspectrice. Et les mondes des rêves et des tarots occupent aussi une grande place.

Dans l’ouvrage sont intégrées aussi des photos qu’elle a faites, des photos d’objets et de lieux évoqués dans le roman. J’ai adoré le style de Patti Smith poétique, juste et parfois banal quand elle évoque son manteau ou ses multiples cafés consommés. Elle doit être vraiment considérée comme une écrivaine à part entière et ce roman peut concurrencer les meilleurs romans de la Beat generation. Elle avait reçu le National Book Award pour « Just Kids ». J’ai trouvé Patti Smith touchante et sincère. Elle ne cherche pas à s’embellir et se montre telle qu’elle est. Je trouve sa vie passionnante malgré les éléments qui pourraient renvoyer à la banalité selon elle. Elle a vécu des rencontres incroyables et on la suit avec un grand plaisir. Le roman est bien construit : certains éléments se répondent et il y a ce cowboy qui parcourt son roman comme s’il était le fil conducteur.

C’est un roman qui parle d’une artiste unique, de voyages, de littérature, de l’impact des livres sur des lecteurs passionnés, de notre relation avec nos morts, d’une façon de vivre libérée des entraves de la morale et de la logique. C’est une œuvre riche et passionnante. Je l’ai dévorée et je suis très admiratif de cette artiste et écrivaine.