Le territoire des monstres de Margaret Millar
(Beyond this Point are Monsters)
Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers , Littérature => Anglophone

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Une vérité qui dérange
Margaret Millar, canadienne, née en 1915, morte en 1994, est considérée comme une des plus grandes autrices de romans policiers. Malgré cela, peu de ses romans sont disponibles chez nous et traduits. Celui-ci date de 1970, il sera traduit deux ans plus tard par un des meilleurs auteurs français de romans noirs, Jean-Patrick Manchette. C'est la fameuse maison d'édition spécialisée du Masque qui, par la suite, fera publier le roman en poche.
C'est le seul roman de Millar que je connaisse, il a la réputation de faire partie de ses meilleurs. Le fait est que c'est une authentique réussite, dont l'action se déroule en Californie en 1968 et qui prend l'apparence d'une gigantesque séance de tribunal pour la majeure partie de ses 280 pages (format poche).
Devon Osborne est la jeune épouse de Robert Osborne, jeune propriétaire terrien en Californie, très près de la frontière avec le Mexique (beaucoup de Mexicains sont d'ailleurs employés, et le contremaitre en est un). En 1967, un soir d'octobre, Robert, dont la vie était apparemment sans histoires, disparaît. On ne retrouvera pas son corps, ce qui fait qu'un an plus tard est organisé, à la demande de sa femme qui veut officialiser la situation et passer à autre chose, un procès chargé de rendre Robert officiellement mort (la mère de Robert, elle, ne cesse d'espérer qu'il revienne un jour, forcément). Sans chercher à trouver un coupable, l'enquête n'a rien donné, et le but est vraiment de tirer un trait sur l'histoire. Mais au fil des témoignages, une autre vérité va lentement émerger...
Un excellent roman, au style peut-être un petit peu vieillot, mais qui, malgré cela, est une belle réussite du genre, et une belle description, teintée de critique évidemment, de la vie en Californie, non loin du Mexique, à l'époque. Racisme, préjugés, condescendance, clichés, rien n'échappe à l'auteur. Quant au titre du roman ("Beyond this point are monsters" en VO), il sera expliqué tôt ou tard dans le roman. Et semble on ne peut plus adéquat.
Les éditions
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Le Territoire des monstres
de Millar, Margaret Manchette, Jean-Patrick (Traducteur)
Éd. du Masque
ISBN : 9782702431306 ; 1,81 € ; 04/06/2003 ; 280 p. ; Poche -
Le territoire des monstres [Texte imprimé] Margaret Millar traduction révisée de Jean-Patrick Manchette
de Millar, Margaret Manchette, Jean-Patrick (Traducteur)
Éd. du Masque
ISBN : 9782702450901 ; 8,50 € ; 22/03/2023 ; 288 p. ; Poche
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Une disparition inexpliquée

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 53 ans) - 6 février 2025
Et donc, il s’agit bien d’une enquête, mais il n’y a pas d’enquêteurs perspicaces ou d’enquêtrices clairvoyantes qui interroge les témoins et récoltent des bouts d’indices jusqu’à faire éclater la vérité en fin de roman. La façon dont s’y est pris l’auteure est tout autre. En 1967, dans une exploitation agricole en Californie, tout proche de la frontière mexicaine, le propriétaire et gérant du domaine a disparu sans laisser de traces. Nul ne sait (tout du moins pour le lecteur, car certains personnages le savent déjà mais cela on ne le découvrira qu’au fur et à mesure de l’avancement de l’histoire) ce qui lui est arrivé. Est-il mort, vivant ? Au bout d’un an, un procès se tient, pour qu’il soit déclaré officiellement décédé.
Et les différents témoins sont appelés à la barre pour relater, chacun de son point de vue, épouse, servante, ouvriers, contremaître, mère, voisin, etc, ce qui s’est passé ce fameux jour du 13 octobre 1967. Et petit à petit, des parts de vérité surgissent, qui vont conduire certains des protagonistes à en découvrir à leur tour d’autres parts de vérité, que le lecteur assemble peu à peu. Car aucun des personnages du roman n’a une compréhension totale de ce qui s’est passé le jour de la disparition de Robert Osborne (c’est le nom du disparu, présumé mort) et surtout du contexte général qui a fini par amener à cette disparition. Certains d’entre eux en détiennent certaines clés. Mais seul le lecteur, omniscient par la grâce de l’auteure, peut avoir une vue globale et complète des tenants et aboutissants de ce qui semble être une disparition, à première vue inexplicable.
Et c’est bien en cela que Margaret Millar fait preuve d’originalité. Pas d’enquête propre dite, pas au sens classique du terme, juste un procès et des gens, hommes et femmes liés au procès de près ou de loin, qui témoignent, et les relations qu’ils ont entre eux en dehors du procès. C’est tout ce qui suffit à l’auteure pour finir à éclairer la vérité au lecteur, et seulement à lui (et elle si c’est une lectrice !). Et c’est diablement bien tourné ! L’exercice de style n’était pas évident mais il est réussi et le lecteur en a pour son plaisir (et pour son argent, s’il a dépensé des sous pour acheter le livre). Les dialogues en particulier sont frappants de naturel et de justesse. Margaret Millar sait faire parler ses personnages. Et il vaut mieux car ils parlent beaucoup dans le livre !
Et chacun d’eux a sa personnalité, et les principaux ont leurs touches personnelles d’expression. Mention particulière à celui de la mère de la disparue, véritable obstinée qui reste persuadée envers et contre tout que son fils finira par revenir ou à être retrouvé, persuasion allant jusqu’à la limite du borderline. Avoir un proche disparu sans savoir ce qu’il est devenu peut en effet atteindre profondément la construction psychique d’un homme ou d’une femme, son père, sa mère, frère, sœur, autres parents, amis,…
Au final, une intrigue à la construction bien agencée, même s’il m’a paru que certains dialogues ou certaines scènes sont trop téléguidés, mais ce n’est pas gênant. Bref, une belle découverte d'un roman publié en 1970, d’une nouvelle auteure intéressante qui m’a bien plu. Elle mériterait que je lise d’autres de ses œuvres.
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