Le diable vert
de Muriel Cerf

critiqué par Fee carabine, le 26 décembre 2004
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Un voyage au pays du diable
Entre compte-rendu objectif et fantasmagorie, "Le diable vert" est le récit d'un voyage en Indonésie. La narratrice est jeune, débordante d'énergie et bien décidée à croquer la vie indonésienne à pleine dent, même si elle n'a pas un sou vaillant. Rien ne lui échappe: de l'amitié avec d'autres jeunes européens partis comme elle à l'aventure à la beauté pétrifiée des temples de Borobudur, sans oublier le charme d'un bel Indonésien - une attitude qui n'est pas dépourvue de risque car dans ce pays où les démons font partie de la vie quotidienne, les épouses jalouses n'hésitent pas à recourir à la sorcellerie et qu'il n'y a pas là de quoi rire!

Inutile donc de compter sur "Le diable vert" si vous cherchez des renseignements pratiques en vue d'un séjour en Indonésie, mais ce livre fera votre bonheur si vous souhaitez vous offrir quelques heures de rêve, de merveilleux et d'exotisme. Le réel talent de conteuse de Muriel Cerf, son écriture sensuelle et débridée, et son sens de l'humour omniprésent, même dans les circonstances les plus dramatiques, en rendent la lecture très agréable. Et pour vous en donner un avant-goût, voici un petit extrait, prologue et lever de rideau sur la terre des démons et des volcans:

"Le dalang. Celui qui tire les ficelles des ombres derrière l'écran blanc du théâtre javanais. Le récitant des éternelles épopées qui inscrit dans le temps la geste de Râma, la guerre du Mâhâbhârata, les passions, les haines et la folie des nains, des géants, des mortels et des dieux. Le conteur poète qui se fait sphinx pour mettre en marche la machine à broyer les héros.
Moi j'ai tenté l'aventure sans espoir; j'ai dansé sur le cratère des volcans et j'ai volé vers la couronne du soleil en sachant bien qu'un jour le poids du monde me tomberait sur les épaules et que j'allais être forcée d'assumer la destinée des fous d'orgueil jusqu'à ce que Némésis la vengeance ait fini de me marcher sur le ventre et que je crève juste devant les portes du ciel où je n'entrerai jamais."
Rêveuse, lunaire et mercurienne 9 étoiles

S’il fallait tenter de définir Muriel Cerf, une évidence saute aux yeux : voilà le type même d’une hippie, pur sang, de la plante des pieds jusqu’au bout des cheveux en passant par la pointe de ses ongles, colorés arc-en-ciel.
« Le Diable vert « est la suite logique d’un autre livre culte de l’auteur : « l’Antivoyage » qui se déroulait aux Indes. Ici, la jolie jeune femme de 20 ans nous entraîne en Indonésie, à Bali. Une seconde et nouvelle initiation donc qui se situe en 1971.
Une hippie, mais pas n’importe laquelle, une hippie de génie qui par l’écriture sublimée nous raconte un pays, constitué d’îles fabuleuses. Une écriture qui traduit haut et fort, au travers d’une poésie fabuleuse, exacerbée, foudroyante, colorée à souhait, hallucinée parfois, les fantasmes, les rêves, les amours d’une femme, oui, hors du commun…
Muriel côtoie et rencontre une foule de gens sortis tout droit d’un monde dont nous n’avons même pas idée : Mr Smith, un Anglais businessman ; Basil, Djodi et Joseph, pédérastes ; Sanith Wowor et ses huit enfants dont notre héroïne tombe amoureuse ; Coulino, son amie anglaise rencontrée l’année précédente en Inde ; Diane, l’américaine de 15 ans ; Dieudonné, le misanthrope français,etc ....
Muriel à qui il va arriver des quantités d’aventures , de trips ( des bons et des autres), elle va même être quasiment violée.

Une vie hallucinée en concentré.
Il y a des passages é-normes, là !


Extraits :

- (…) une bonne part du malheur universel, c’est toute l’histoire des hommes terrorisés de naître, oubliant de vivre et souffrant à mourir

- (…) une gamine rêveuse lunaire et mercurienne comme moi.

Catinus - Liège - 73 ans - 9 juin 2012