L'Eden à l'aube
de Karim Kattan

critiqué par Pucksimberg, le 14 septembre 2024
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Jérusalem, la Palestine, deux hommes qui s'aiment
Un étrange vent souffle, il envahit les maisons, et donne un caractère onirique aux lieux décrits. Deux hommes se rencontrent chez Tante Fatima à Jérusalem. Gabriel tombe vite sous le charme d’Isaac et vient le voir le soir, sur son lieu de travail. Isaac, comme de nombreux personnages orientaux, est un excellent narrateur et il lui conte de nombreuses histoires avec des jinns, des sorcières et des chevaliers. Un sentiment amoureux naitra dans un pays meurtri, dans une communauté bien précise, où il faudra affronter les checkpoints, les entraves fixées par des dirigeants extrêmes. Comment vivre une telle relation dans un pays morcelé comme celui-là ?

L’écriture de Karim Kattan est vraiment belle et poétique. Cet écrivain palestinien, sans doute nourri par certains écrivains orientaux, donne une couleur particulière à son roman. Le choix de son narrateur est idéal puisqu’il s’agit du ciel qui en sait beaucoup sur ses personnages sans pour autant tout maitriser. C’est un narrateur qui parle au lecteur. L’écriture est riche en images et ressemble parfois à de la prose poétique. Il y a du rythme, de belles images, des figures de style, voire des vers parfois. La langue a quelque chose de magique et transporte le lecteur dans cette histoire d’amour entre deux hommes.

Il y a aussi un ancrage spatial et social. Les tensions dont on nous parle très souvent aux actualités sont présentes dans ce roman. On mesure l’horreur que cela peut représenter pour de simples êtres humains qui n’ont rien demandé et qui veulent juste vivre. Le simple fait de se balader ou de partir en vacances en affrontant les contrôles militaires deviennent des instants compliqués. Certaines scènes marquent les esprits et un sentiment d’injustice peut se faire sentir.

La façon dont Karim Kattan parle de l’amour est singulière et poétique. Le désir et le sentiment en lui-même sont décrits avec force et justesse, sans tomber dans un romantisme fabriqué et parfois ridicule. Il y a quelque chose de charnel et d’intense dans cette relation sans pour autant que le lecteur soit confronté à des descriptions de scènes sexuelles. La description du désir d’Isaac sort des descriptions habituelles et se révèle plus juste même si certaines remarques pourraient surprendre. Il y a vraiment de très belles pages sur l’amour.

J’ai trouvé ce roman très réussi. L’écriture est vraiment esthétique et poétique. Le roman figure dans des premières listes pour des prix littéraires. C’est vraiment un auteur qui gagne à être lu et connu. C’est une langue travaillée, orientale, onirique et sensuelle. Le roman a la beauté des romans orientaux qui possèdent des conteurs exceptionnels. Un très bon roman !