Hot Maroc
de Yāsīn ʿAdnān

critiqué par Pucksimberg, le 28 septembre 2024
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Satire du Maroc moderne par le biais d'un antihéros
Rahhal est le personnage principal de cet ample roman. Il n’est certainement pas un héros, il est plutôt lâche, fourbe et peu respecté par son entourage. Cet antihéros ne semble jamais responsable de ses actions, les autres paraissent décider pour lui, tant dans ses aventures universitaires que dans son travail dans un cybercafé qui deviendra son terrain de jeu, son remède à certaines humiliations. Il a accès à tous les ordinateurs, donc connaît les secrets des uns et des autres et il va en profiter pour se créer de nombreux comptes afin de laisser des messages assassins, des fake news ou des messages riches en implicite sur divers forums. Tout d’un coup, il se sent tout-puissant et ce qu’il ne peut pas faire dans la réalité, il le fera sur la toile. A de nombreux égards, le roman fait sourire, ce n’est pas un thriller, mais un roman qui permet de souligner tous les travers de la société marocaine. Autour de ce personnage, gravitent de nombreux individus, hauts en couleur qui vont alimenter la critique du roman.

L’écrivain Laroui a affirmé que ce roman est l’un des trois meilleurs romans marocains, c’est dire le rôle qu’il peut exercer dans la littérature contemporaine du pays. Yassin Adnan aborde la critique des universités et leurs petites cuisines internes. Il décrit le monde de l’information comme un monde dangereux où la manipulation est maîtresse. Il évoque surtout toutes les personnes qui ont la parole, qui défendent des idées et qui ont un impact sur la communauté. Les effets produits peuvent être dévastateurs et l’on voit qu’il y a toujours des personnes derrière qui tirent les ficelles. La peinture satirique du pouvoir et des médias est bien mise en place.

Le personnage principal cherche en chacun de ses concitoyens l’animal qui le représenterait mieux. Cette lecture naturaliste peut faire sourire et éclaire sur la nature des individus. La société semble une jungle dans laquelle il est difficile de trouver sa place. Certains passages sont amusants et s’apparenteraient à la farce, mais ils sont toujours ancrés dans le réel et c’est vraiment le Maroc et le comportement de la société qui inspirent chaque scène. Peut-être, le lecteur manquera-t-il parfois certaines références. En lisant une critique sur un site oriental, j’ai constaté que l’auteur s’inspirait de certains partis politiques ou de figures célèbres qui ne nous sont pas familières. Cela ne permet donc pas de savourer pleinement les allusions. Des notes supplémentaires auraient été appréciées.

Certains passages m’ont enthousiasmé et amusé, d’autres ont pu m’ennuyer, surtout la partie centrée sur les élections. Encore une fois, cela est peut-être dû à des références que je n’ai pas. Le roman possède des qualités dans sa peinture de Marrakech et de la société marocaine. Le lecteur sent que l’écrivain n’a pas pour unique visée de distraire le lecteur, les enjeux sont plus importants. Cette photographie du pays immortalise un pays avec ses qualités et ses travers, tout en permettant aux lecteurs marocains d’en tirer des conclusions. L’écrivain donne à voir ce qui est tu ou caché. Certains propos pourraient concerner tout le monde, pas uniquement ce pays du Maghreb. Il y est question de pollution, de constructions excessives d’habitations au détriment de la végétation ( les palmiers ici ), des médias, d’internet, d’enjeux électoraux … C’est un monde qui n’est pas joli à voir, mais ceci est dit avec le sourire.