Comme l'ombre qui s'en va de Antonio Muñoz Molina
(Como la sombra que se va)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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Un auteur fétiche s'ajoute à ma longue liste
J’avais emprunté ce roman en bibliothèque. Je ne connaissais pas l’auteur mais la quatrième de couverture semblait prometteuse.
Les premiers chapitres m’ont paru indigestes, trop chargés de référence, je ne parvenais pas à trouver pas la ligne directrice de l’écriture.
Après trois-quatre chapitres, je m’habituais à la plume de l’auteur, je prenais plaisir à la lecture ; des liens s’établissaient, des lignes de force se dégageaient.
L’accroche ne s’était pas faite immédiatement mais elle était puissante.
Quand un ouvrage me fascine, il me suit dans tous mes déplacements, le moindre petit instant qui pourrait être perdu devient prétexte à avancer dans ma tâche de lectrice.
Lors d’un trajet en train, le livre se trouvait donc dans mon sac posé dans la coursive… hélas, à l’arrivée, le sac avait pris son envol. Il fallait se rendre à l’évidence nous avions été victime d’un larcin…
Commande de l’ouvrage en librairie, attente et puis je reprends la lecture au point zéro… en pleine conscience que l’écriture de l’auteur s’était révélée passionnante, addictive.
Je flâne donc comme sur un chemin que je sais agréable, prenant plaisir à grappiller références musicales, littéraires, géographiques, touristiques. Savourant ces nouveaux mondes que l’auteur nous offre à découvrir en toile de fond de son roman.
Car cet écrit est dense, puissant, il pousse à la réflexion et chaque référence, chaque indication sert à construire la trame du récit…et, parfois, j’ai découvert en fin de lecture, le sens profond d’une référence livrée dans les premières pages.
Nombre de réflexions pertinentes s’intègrent au roman de manière naturelle, le lecteur doit pouvoir savourer les chemins de traverse, être nonchalant alors que le récit gonfle , enfle et s’enrichit de nombreuses ramifications.
Plusieurs récits sont tressés, entremêlés et constituent l’architecture qui m’avait un peu perturbée à la première lecture pour me ravir par la suite.
Dans les premières pages, il y a une alternance stricte entre les chapitres qui parlent de James Earl Ray et ceux tissés autour de l’auteur et la construction du roman. Ensuite l’auteur rompt ce rythme et laisse de plus en plus de place à ce qui tient le lecteur en haleine : l’errance de l’assassin, sa fuite… et sa chute.
Il y a la longue fuite de James Earl Ray, assassin de Martin Luther King après qu’il ait commis son crime.
L’auteur tente d’imaginer et de nous restituer l’univers mental de l’assassin.
On comprend mal pourquoi il a tué.
Et, à mots couverts, Antonio Munoz Molina explore la piste de l’humiliation. (Et cette grille de lecture, je la dois à un ami que je salue : merci m’sieur Jean)
Je m’explique.
James Earl Ray a grandi dans un univers misérable, sa proie est un américain, noir de peau, bien habillé, brillant, maniant la rhétorique, leader charismatique enflammant les foules et se déplaçant en Cadillac blanche avec chauffeur.
De plus, au moment des faits, James Earl Ray ne mesure pas l’importance de sa cible, il est persuadé de son impunité… le meurtre d’un noir reste insignifiant à ses yeux dans le contexte de l’époque.
En parallèle l’auteur se raconte au fil de deux voyages à Lisbonne qui ont nourri son roman et marqué sa vie.
La ville est un personnage.
Elle sert un thème très symbolique dans cette histoire : le contraste entre emprisonnement et ouverture, les lignes de fuite étant constituées par le fleuve, les avions, les bateaux.
Lorsque l’auteur parle de lui, il aborde aussi une réflexion sur l’écriture, pourquoi et comment commence-t-on un roman, quelles répercussions l’écriture a-t-elle sur la vie de l’écrivain ?
Comment nomme-t-on ses personnages et pourquoi le choix des patronymes est important, comment il crée la vraisemblance.
Il s’interroge aussi sur la consommation d’alcool, de nicotine en période de création. Et sur ce point, il établit également un parallèle avec le comportement de l’assassin lors de sa longue errance.
Enfin mettre un pont final à l’écrit, sortir du récit qui a alimenté son univers, ses fantasmes constitue aussi un dilemme.
C’est dans le regard que le narrateur pose sur l’auteur des faits que grandit, s’étoffe le personnage ; les non-dits, les indices livrés au lecteur vont germer dans l’esprit de ce dernier pour construire le l’identité de l’acteur principal.
L’identité est d’ailleurs un thème autour duquel l’auteur se livre à de nombreuses digressions, examinant notamment la facilité avec laquelle tout un chacun livre son identité réelle et combien il est ardu de devoir jongler avec plusieurs personnalités fictives, décliner son identité devenant alors un exercice périlleux.
Lorsque j’ai refermé ce livre, ses personnages ont continué à me hanter, les différents thèmes abordés menaient encore une petite danse dans mes neurones et, maintenant, ils pourraient m’empêcher de mettre un point final à cette chronique.
Je reviendrai à cet auteur et peut-être à ce roman, persuadée que je trouverai encore d’autres pistes de lecture, que je lèverai quelques détails restés inaperçus.
C’est donc enthousiaste que je clôture cette chronique en vous souhaitant de bonnes lectures !
Les éditions
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Comme l'ombre qui s'en va [Texte imprimé], roman Antonio Muñoz Molina traduit de l'espagnol par Philippe Bataillon
de Muñoz Molina, Antonio Bataillon, Philippe (Traducteur)
Seuil
ISBN : 9782021242676 ; 22,50 € ; 18/08/2016 ; 448 p. ; Broché
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