Le jour où je me suis aimé pour de vrai / Egoman
de Serge Marquis

critiqué par Cédelor, le 7 octobre 2024
(Paris - 53 ans)


La note:  étoiles
Vade retro, ego !
En commençant la rédaction de la critique de ce livre, je n’avais pas d’avis bien clair à porter sur ce que je venais de lire. Pourtant il m’a énormément plu, c’est une évidence. Voilà une histoire comme on en lit peu, ou du moins comme moi j’en lis peu de ce genre, un genre où se mêlent feelgood et développement personnel.

L’auteur, Serge Marquis, est québécois et s’est d’abord fait connaître avec succès, semble-t-il, avec son livre de développement personnel, « On est foutus, on pense trop ! ». Je ne l’ai pas lu, mais avec son livre suivant, celui de la critique actuelle, au joli titre évocateur, « Le jour où je me suis aimé pour de vrai », il reste dans la même thématique, mais par le biais du roman cette fois.

La thématique est celle de l’ego, dont tout un chacun est pourvu. La thèse de l’auteur est que c’est cet ego qui est le véritable responsable de nos souffrances personnelles et celle de l’humanité, car il nous pousse tous dans un égocentrisme qui nous coupe des autres et tente de nous faire croire que nous sommes uniques, plus beaux, plus malins, plus forts, ou au contraire plus nuls, plus stupides, plus faibles que les autres, et de ce fait conditionne les pensées qu’on peut avoir à notre propre égard ou des autres, et donc nos paroles et comportements. Cela engendre frustration, colère, isolement, incompréhension, agressivité, etc. Nous devons donc apprendre à prendre de la distance avec cet ego qui nous pourrit la vie, pour retrouver pour nous-même plus d’équilibre personnel et une relation plus apaisée avec les autres.

Il essaie de nous l’exposer avec ce roman, qui est le premier, semble-t-il, qu’il ait écrit. Il m’a été conseillé par une amie qui m’en a dit beaucoup de bien. Comprenant l’objectif de ce livre, j’ai eu peur que ce soit une histoire bancale écrite dans un style lourd, car il y a loin du roman à l’essai, et qu’écrire un ouvrage qui expose sa démonstration par a + b pour arriver à sa conclusion logique ne nécessite pas autant de qualités littéraires qu’il n’en est exigé pour le roman, et que le passage de l’un à l’autre ne soit donc raté.

Et pourtant, très vite, l’auteur a su faire démentir mon scepticisme inquiet, et ce dès les premières pages. Et plus j’avançais dans ma lecture, plus le style et le contenu me plaisaient. À la fin, j’étais conquis ! L’auteur a atteint son but et réussi son pari de créer un roman qui tienne la route, avec une intrigue qui accroche, un style qui plait et une démonstration de sa théorie de l’ego qui convainc. C’est le genre de livre qui fait réfléchir sans ennuyer, et c’est déjà beaucoup.

C’est un roman à 2 voix, où deux personnes s’expriment, principalement Maryse du Bonheur, oncologue de son état, qui a un fils, Charlot, et Georges Paris, psychiatre et secrètement amoureux de Maryse. D’autres personnages font aussi partie de leurs vies avec qui ils ont des liens plus ou moins proches et nouent entre eux des relations interpersonnelles fortes. Le véritable héros est Charlot, par qui passe le fil conducteur de tout le roman, à savoir l’ego, dada de l’auteur.

Et donc, cet ego, Charlot va parvenir à l’identifier et à le neutraliser. Pourtant, il va devoir traverser de nombreuses épreuves, la mort, la maladie, le handicap, qui le toucheront lui et les autres qui lui sont chers. En cela, le roman paraît très invraisemblable avec cette succession de drames. Pourtant, on se prend au jeu, car on comprend bien que le propos de l’auteur n’est pas d’écrire une histoire totalement crédible mais de l’adapter aux besoins de son exposé de la théorie de l’ego. Et ça marche ! On est touchés émotionnellement par le récit des situations que traversent tous ces petits héros et héroïnes, bien servis par une plume toute en douceur, parsemé d’aphorismes profonds et bien sentis, toujours parfaitement insérés dans la trame du récit. Il y a là une indéniable qualité littéraire, alors que j’avais craint que ce soit cela qui manquerait le plus. Au final, c’est une vraie belle réussite où intelligence et émotions se confondent et j’en félicite l’auteur. J’espère qu’il écrira d’autres romans comme celui-ci et je me note de le suivre.